Section 19
Troubles endocriniens et métaboliques

Avertissement

  • Dans les cas graves, plusieurs maladies endocriniennes et métaboliques, traitées ou non, peuvent nuire au jugement, à la motricité ou au niveau de conscience. De plus, des anomalies métaboliques ou électrolytiques peuvent se manifester. En présence de ces facteurs ou s’ils sont susceptibles de se produire, il faut avertir la personne de ne pas conduire avant que l’on ait stabilisé leur état.
  • Chez une personne diabétique qui prend de l’insuline ou des sécrétagogues de l’insuline, l’apparition de symptômes d’hypoglycémie assez grave pour altérer le jugement, entraîner une perte de conscience ou exiger l’intervention d’un tiers constitue une contre-indication immédiate à la conduite.

19.1 Aperçu

Les troubles du fonctionnement du système endocrinien peuvent produire de nombreux symptômes dont la gravité varie énormément. Il faut toujours évaluer attentivement l’état des personnes présentant des troubles endocriniens suspectés ou confirmés pour veiller à ce que leurs symptômes n’en fassent pas des conducteurs ou des conductrices non sécuritaires. Les troubles endocriniens et métaboliques abordés ci-dessous sont parmi les plus courants que les médecins peuvent être appelés à évaluer parce qu’ils peuvent empêcher de conduire un véhicule en toute sécurité. Il faut évaluer l’aptitude à conduire dans chaque cas, car l’éventail des signes et symptômes varie énormément.

19.2 Diabète mellitus

Les progrès des traitements, la technologie médicale et l’autosurveillance permettent maintenant aux personnes atteintes de diabète de contrôler leur maladie et de conduire un véhicule automobile en toute sécurité. Il faut évaluer individuellement l’aptitude à conduire de ces personnes. Il faut aussi les encourager à participer activement à l’évaluation de leur aptitude à conduire en tenant des registres précis de leur glycémie et de leur état de santé. Enfin, il faut les renseigner sur la façon de reconnaître et d’éviter l’hypoglycémie, ainsi que sur les moyens appropriés de la traiter.

L’examen médical annuel des conducteurs et conductrices diabétiques doit toujours inclure une revue complète des complications possibles afin d’exclure les maladies oculaires, la néphropathie, la neuropathie (autonome, sensorielle, motrice), les maladies cardiovasculaires et les maladies vasculaires cérébrales à un stade qui empêcherait d’accorder la classe de permis de conduire demandée. Les complications cumulatives du diabète peuvent causer des incapacités fonctionnelles obligeant à procéder à une évaluation plus poussée que celle qui pourrait s’imposer à l’égard de toute complication prise séparément ou de tout niveau de contrôle de la glycémie. On considère en général qu’une personne est apte à conduire si l’on peut démontrer : 1) qu’elle contrôle sa glycémie de façon soutenue et avertie, 2) qu’elle peut éviter les épisodes d’hypoglycémie grave, et 3) qu’elle ne présente pas de complications du diabète qui auraient un effet sur la sécurité de la conduite.

Pour des recommandations et de l’information supplémentaire visant les conducteurs et conductrices diabétiques qui reçoivent un traitement approprié à leur état, prière de se reporter aux Lignes directrices de pratique clinique 2018 de Diabète Canada (Houlden et coll., 2018). Les recommandations (toutes de catégorie D, consensus, sauf indication contraire) sont les suivantes :

  1. L’aptitude à conduire des personnes atteintes de diabète doit être évaluée au cas par cas. Les personnes atteintes de diabète doivent jouer un rôle actif dans l’évaluation de leur aptitude à conduire de façon sécuritaire.
  2. Tous les conducteurs et conductrices diabétiques doivent subir au moins tous les deux ans un examen médical approfondi réalisé par un médecin ou par un infirmier praticien ou une infirmière praticienne ayant des compétences éprouvées dans la prise en charge du diabète. L’examen médical doit inclure une évaluation de la maîtrise glycémique, de la fréquence et de la gravité des épisodes d’hypoglycémie, de la perception des symptômes d’hypoglycémie et de la présence de rétinopathie, de neuropathie, de néphropathie, d’amputation et de maladie cardiovasculaire, afin de déterminer si l’un ou l’autre de ces facteurs pourrait augmenter de façon significative le risque d’un accident de la route. Les conducteurs et conductrices de véhicules commerciaux doivent aussi subir un examen médical au moment de leur demande de permis de conduire commercial.
  3. Les conducteurs et conductrices diabétiques traités par des sécrétagogues de l’insuline ou par l’insuline doivent suivre les recommandations suivantes :
    1. Tenir un registre de leurs résultats d’autosurveillance de la glycémie à l’aide d’un glucomètre doté d’une mémoire ou d’un dossier électronique; les mesures seront prises à une fréquence jugée appropriée par chaque personne atteinte de diabète et par sa professionnelle ou son professionnel de la santé. Pour les conducteurs et conductrices de véhicules commerciaux, lors de leur première demande de permis de conduire commercial, ce registre doit couvrir les six derniers mois (ou la période écoulée depuis le diagnostic du diabète si celui-ci remonte à moins de six mois). Les registres des mesures de la glycémie doivent pouvoir être vérifiés sur demande.
    2. Toujours avoir à portée de la main (p. ex., derrière le pare-soleil du côté conducteur ou dans la console centrale) leur matériel de surveillance de la glycémie et une réserve de glucides à absorption rapide.
    3. Envisager de mesurer leur glycémie immédiatement avant de prendre le volant et au moins toutes les quatre heures lors des longs trajets, ou porter un appareil de surveillance continue de la glycémie en temps réel.
    4. S’abstenir de conduire lorsque leur glycémie est en deçà de 4,0 mmol/L (catégorie C, niveau 3 pour le diabète de type 1; catégorie D, consensus pour le diabète de type 2). Si leur glycémie est inférieure à 4,0 mmol/L, avant de prendre le volant, ils doivent attendre au moins 40 minutes après avoir traité avec succès leur hypoglycémie et obtenu une glycémie d’au moins 5,0 mmol/L (catégorie C, niveau 3 pour le diabète de type 1; catégorie D, consensus pour le diabète de type 2).
    5. S’abstenir de conduire immédiatement après un épisode d’hypoglycémie grave survenu pendant qu’ils conduisaient et aviser leur professionnel de la santé le plus rapidement possible (en moins de 72 heures).
  4. Les conducteurs et conductrices diabétiques de véhicules privés (non commerciaux ou commerciaux qui présentent une non-perception de l’hypoglycémie ou des antécédents d’épisodes d’hypoglycémie grave au cours des 12 derniers mois doivent mesurer leur glycémie immédiatement avant de prendre le volant et au moins toutes les 2 heures par la suite, ou porter un appareil de surveillance continue de la glycémie en temps réel.
  5. Si l’un ou l’autre des événements suivants se produit chez une personne atteinte de diabète qui est traitée par un sécrétagogue de l’insuline ou par l’insuline, les professionnels de la santé doivent aviser cette personne de ne plus conduire et communiquer leur préoccupation quant à son aptitude à conduire à l’organisme de délivrance des permis de conduire :
    1. tout épisode d’hypoglycémie grave survenu au volant au cours des 12 derniers mois
    2. plus d’un épisode d’hypoglycémie grave alors que la personne était éveillée, mais pas au volant au cours des six derniers mois pour les conducteurs non professionnels (de véhicules non commerciaux) ou au cours des 12 derniers mois pour les conducteurs de véhicules commerciaux

On peut consulter en ligne le texte intégral des lignes directrices ici : https://guidelines.diabetes.ca/GuideLines/media/Docs/french/21-Diabetes-and-Driving-FR.pdf

Les administrations canadiennes permettent aux conducteurs et aux conductrices de véhicules commerciaux dont le permis a été suspendu à la suite d’un épisode d’hypoglycémie ayant requis l’intervention d’une tierce personne de réduire la durée de la suspension sur recommandation des spécialistes. On peut justifier cette période de suspension plus courte dans les circonstances suivantes :

  • On peut envisager de rétablir le permis de conduire un véhicule commercial aux personnes dont le diabète est traité au moyen de sécrétagogues de l’insuline et dont le permis de conduire un véhicule commercial a été suspendu en raison d’une hypoglycémie grave ou d’une méconnaissance de l’hypoglycémie si, au cours des six derniers mois, il n’y a eu aucun épisode d’hypoglycémie grave et aucun signe de méconnaissance de l’hypoglycémie.
  • Les conducteurs et conductrices dont le diabète est traité à l’insuline ne doivent pas obtenir ou garder un permis de conduire un véhicule commercial si, au cours des six derniers mois, il a eu un épisode d’hypoglycémie grave pendant l’éveil ou l’indication d’une méconnaissance de l’hypoglycémie.
  • On peut envisager de rétablir le permis de conduire un véhicule commercial aux personnes dont le diabète est traité à l’insuline et dont le permis de conduire un véhicule commercial a été suspendu en raison d’une hypoglycémie grave ou d’une méconnaissance de l’hypoglycémie si, au cours des six derniers mois, il n’y a eu aucun épisode d’hypoglycémie grave et aucun signe de non-perception de l’hypoglycémie.

Les directives provinciales peuvent différer de celles énoncées précédemment et le rétablissement d’un permis de conduire un véhicule commercial peut être devancé ou retardé au cas par cas, selon le risque perçu pour la sécurité de la conduite.

Des recommandations similaires s’appliquent aux conducteurs et aux conductrices de véhicules non commerciaux assujettis à de plus brèves suspensions du permis de conduire. Si la situation qui a entraîné la suspension du permis de conduire est résolue à la satisfaction des spécialistes et que l’état de la personne est stable depuis une période suffisante, il peut être justifié d’émettre une recommandation au bureau des véhicules automobiles.

19.3 Glycosurie rénale d’origine non diabétique

Les personnes atteintes de glycosurie rénale d’origine non diabétique peuvent conduire sans danger tout type de véhicule automobile.

19.4 Hypoglycémie non diabétique

Les personnes qui deviennent faibles ou perdent conscience à la suite d’épisodes spontanés d’hypoglycémie non diabétique ne peuvent conduire sans danger et il faut sans tarder poser un diagnostic précis et traiter le problème. Celles qui ont des symptômes plus légers, qui n’ont jamais perdu conscience ni la capacité de réagir normalement à des stimuli externes peuvent conduire un véhicule non commercial sans risque excessif. Elles ne doivent pas conduire de véhicules commerciaux ou de transport de passagers tant que le problème n’est pas maîtrisé.

19.5 Maladie de la glande thyroïde

Les personnes atteintes d’hyperthyroïdie compliquée par des symptômes visuels, cardiaques, neurologiques ou musculaires importants, et les personnes souffrant d’hypothyroïdie symptomatique qui nuit au jugement ou à la motricité ne doivent pas conduire tant qu’on n’a pas maîtrisé leur état.

19.6 Maladie des glandes parathyroïdes et autres troubles calciques

Les personnes atteintes d’hypercalcémie grave ou d’hypocalcémie conjuguée à d’importants symptômes neurologiques, à des anomalies de conduction cardiaque ou à des symptômes musculaires ne doivent pas conduire. Si leurs symptômes réagissent bien au traitement, elles peuvent recommencer à conduire tous les types de véhicules sans risque excessif.

19.7 Maladie de la glande pituitaire

19.7.1 Déficience de l’hypophyse postérieure

Les personnes atteintes de diabète insipide ne doivent pas conduire de véhicule commercial ou de transport de passagers tant qu’un traitement n’a pas stabilisé leur état. Elles peuvent conduire sans danger un véhicule non commercial à condition de se faire suivre de près par des médecins et de ne présenter aucun symptôme invalidant du système nerveux central ni d’autre symptôme important.

19.7.2 Déficience de l’hypophyse antérieure

Les personnes atteintes de panhypopituitarisme ou d’autres déficiences des hormones antéhypophysaire peuvent éprouver de nombreux symptômes qui peuvent nuire à leur aptitude à conduire un véhicule automobile. Elles ne doivent pas conduire avant qu’on ait évalué et traité le problème médical. Les personnes qui ont une tumeur hypophysaire ou d’autres lésions compressives doivent se soumettre à un examen périodique de la vue qui permet de détecter les défauts du champ visuel.

19.7.3 Acromégalie

Les personnes atteintes d’acromégalie, chez lesquelles la faiblesse musculaire, les douleurs, une fatigue rapide, des troubles de la vue, des symptômes neurologiques importants, une cardiomégalie, des troubles du sommeil ou des maux de tête récalcitrants ont commencé à faire leur apparition, doivent cesser de conduire. Après un traitement, si la vision est satisfaisante et si d’autres symptômes n’ont pas d’effets fonctionnels importants, elles doivent pouvoir recommencer à conduire en toute sécurité.

19.7.4 Tumeur hypophysaire

Toute masse affectant la selle turcique (p. ex., tumeur hypophysaire, craniopharyngiome) peut comprimer le chiasma optique et provoquer des anomalies du champ visuel. Si une personne est atteinte d’une telle tumeur dont on sait qu’elle comprime le chiasma optique, il faut procéder à des examens du champ visuel tous les 6 à 12 mois (ou plus souvent) selon la stabilité estimée de la tumeur. Consulter la section 12, Vision, pour plus de renseignements.

19.8 Maladie des glandes surrénales

19.8.1 Syndrome de Cushing

Il faut conseiller de cesser de conduire aux personnes atteintes du syndrome de Cushing (hyperfonctionnement du cortex surrénalien) qui développent de la faiblesse musculaire. Si leur état s’améliore après le traitement, elles peuvent recommencer à conduire tout type de véhicule, mais elles doivent se faire suivre de près par des médecins.

19.8.2 Maladie d’Addison

Une personne atteinte de la maladie d’Addison (hypofonctionnement du cortex surrénalien) peut conduire tout type de véhicule à condition que son état ait été traité avec succès et soit contrôlé, et qu’elle se fasse suivre de près par des médecins.

19.8.3 Phéochromocytome

L’hyperfonctionnement de la médullosurrénale causée par un phéochromocytome conjugué à des maux de tête, des étourdissements, une tachycardie ou une vision trouble est une contreindication à la conduite de tout type de véhicule automobile tant qu’un traitement n’a pas atténué considérablement ces symptômes.


Références

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Autres ressources

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Diabetes Canada Clinical Practice Guidelines Expert Committee. Diabetes Canada 2018 clinical practice guidelines for the prevention and management of diabetes in Canada. Can J Diabetes. 2018;42(Suppl 1):S1-S325. Accessible ici : http://guidelines.diabetes.ca/cpg (consulté le 28 sept. 2022).

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