Section 20
Néphropathies

Avertissement

  • Il se peut qu’une proportion importante de la patientèle sous dialyse ne soit pas apte à conduire ou éprouve des épisodes temporaires d’inaptitude (particulièrement après les traitements de dialyse).
  • Il existe des questionnaires de dépistage qui peuvent aider à détecter les personnes à risque de devenir inaptes à conduire et qui pourraient bénéficier d’un examen plus approfondi. Les données probantes ne suffisent toutefois pas pour imposer leur utilisation systématique dans la pratique clinique.
  • Il faut encourager les personnes sous dialyse qui s’inquiètent de leur aptitude à conduire à s’adresser à leur médecin et à éviter de conduire jusqu’à ce qu’on ait dissipé leur préoccupation.
  • Les membres du personnel médical et paramédical doivent tenir compte des points de pression des ceintures de sécurité lorsqu’ils mettent en place des dispositifs médicaux effractifs (p. ex., cathéters veineux centraux ou cathéters de dialyse péritonéale).

20.1 Aperçu

La présente section passe en revue les questions associées à la dialyse et à la greffe rénale. Les personnes qui ont une néphropathie chronique au stade ultime peuvent être traités par hémodialyse en établissement ou à domicile ou par dialyse péritonéale à domicile. La plupart peuvent continuer de conduire en toute sécurité après s’être adaptés à un schéma de dialyse stable.

Les personnes sous dialyse développeront souvent des problèmes médicaux concomitants ou une atteinte de l’état général qui peuvent les rendre incapables temporairement ou définitivement de conduire. Les médecins traitants doivent conseiller adéquatement ces personnes au cas où surgirait un problème qui rendrait la conduite dangereuse, y compris un changement de l’état de santé qui peut être de courte durée, mais sérieux, comme une infection généralisée, une anomalie importante des électrolytes, une ischémie coronarienne, ou des symptômes comme la faiblesse ou l’hypotension qui se produisent pendant qu’une personne s’adapte à un nouveau schéma de dialyse.

20.2 Dialyse

Les personnes atteintes d’une insuffisance rénale chronique au stade ultime et sont sous hémodialyse ou sous dialyse péritonéale peuvent conduire toute catégorie de véhicule automobile à condition d’avoir les aptitudes cognitives et sensorimotrices suffisantes.

Les personnes qui envisagent un voyage sur une longue distance doivent tenir compte de l’accès qu’elles pourront avoir à des traitements et à des fournitures de dialyse.

Toutes les personnes concernées qui conduisent des véhicules commerciaux doivent se faire suivre en service de néphrologie ou de médecine interne et se soumettre à un examen médical annuel. Elles doivent pouvoir recevoir une dialyse appropriée pendant leur travail. Les patientes et patients sous dialyse péritonéale doivent toujours avoir accès à des fournitures adéquates et à un environnement physique approprié pour le traitement. L’hémodialyse est en général incompatible avec la conduite sur de longues distances. Afin d’éviter de rater des traitements de dialyse, les personnes qui conduisent un véhicule commercial et prévoient se rendre loin de leur domicile doivent tenir compte des retards inattendus causés par le mauvais temps, les conditions routières ou les exigences de leur travail.

20.2.1 Hémodialyse

Les personnes sous hémodialyse en établissement peuvent présenter de multiples comorbidités cardiovasculaires et diabétiques. Pour déterminer leur aptitude à conduire, les médecins doivent évaluer ces personnes individuellement afin d’établir la présence de comorbidités, de prise de médicaments pertinents et d’effets secondaires importants liés aux traitements.

Peu d’études offrent aux médecins des outils validés pour repérer les personnes sous dialyse qui peuvent être inaptes à conduire. Une étude portant sur 186 personnes recevant des traitements de dialyse aux États-Unis (89 % sous hémodialyse, 11 % sous dialyse péritonéale) a révélé que 40 % des personnes interrogées n’étaient « pas confortables au volant » (Vats et Duffy, 2010). Or, 42 % des membres du groupe ont continué à conduire, parmi lesquels 48 % ont déclaré avoir été impliqués dans un accident. Environ trois personnes sur quatre ayant admis se sentir inconfortables au volant ont déclaré au moins un symptôme de faiblesse, d’étourdissement, ou de coordination difficile après une séance d’hémodialyse.

Varela et coll. (2015) ont analysé l’exactitude d’un instrument mis au point par l’Association américaine des automobilistes (AAA) et l’association médicale américaine pour évaluer la sécurité des conducteurs aînés en l’appliquant spécifiquement à 106 personnes sous dialyse (68 % sous hémodialyse, 32 % sous dialyse péritonéale). Dans la liste de contrôle « Am I a Safe Driver? » (Puis-je conduire en toute sécurité?), on demande aux personnes de répondre à 24 questions précises (une a été omise pour la patientèle sous dialyse). Les auteurs ont conclu qu’une réponse « Oui » à deux questions ou plus de la liste pourrait aider à repérer les personnes qui présentent un risque élevé d’avoir les facultés altérées au volant (sensibilité de 84 %, spécificité de 58 %), mais il fallait confirmer ces résultats par d’autres méthodes, car on peut toujours considérer que presque la moitié des personnes « positives au dépistage » peuvent quand même conduire en toute sécurité.

Ces études indiquent : 1) qu’un pourcentage important de la patientèle sous dialyse (et en particulier sous hémodialyse) peut vivre des épisodes au cours desquels elle n’est pas apte à conduire, particulièrement après une séance de dialyse et 2) qu’une liste comme « Drivers 65 Plus: Check Your Performance » (en anglais seulement; AAA Foundation for Traffic Safety, 2019) peut aider à repérer les personnes qui doivent faire l’objet d’une évaluation plus poussée. Les données ne suffisent toutefois pas pour imposer un dépistage régulier chez la patientèle sous dialyse au moyen de cet instrument ou de solutions de rechange possibles.

Les membres du personnel des services de dialyse peuvent envisager de demander aux personnes concernées comment elles planifient rentrer chez elles si une séance d’hémodialyse produit des symptômes importants et de discuter d’autres arrangements dans le cas des personnes qui avaient prévu conduire, mais ne semblent pas assez bien pour le faire.

Les personnes sous hémodialyse ne doivent pas s’éloigner de plus d’une ou deux journées de distance de la maison en voiture sans prendre de dispositions pour obtenir un traitement de dialyse dans un autre centre. Si elles planifient un voyage de plus longue durée, ces personnes doivent consulter leur clinique locale de dialyse, qui a accès à des listes de centres de dialyse au Canada et aux États-Unis qui accepteront une patientèle en voyage. La personne doit faire évaluer en service de néphrologie son état de santé général et la stabilité de celui-ci sous dialyse avant de planifier un voyage.

20.2.2 Dialyse péritonéale

Les questions d’aptitudes à la conduite des personnes sous dialyse péritonéale ressemblent à celles des personnes sous hémodialyse, comme décrite à la section 20.2.1, Hémodialyse. La dialyse péritonéale entraîne toutefois une élimination de liquide plus lente et continue, et les symptômes liés aux changements liquidiens intravasculaires et à l’hémodynamique posent moins de problèmes que l’hémodialyse.

20.3 Greffe rénale

Une personne qui a subi une greffe rénale réussie et qui s’est entièrement rétablie de l’intervention chirurgicale peut conduire un véhicule automobile.


Références

AAA Foundation for Traffic Safety. Drivers 65 plus: check your performance. A self-rating tool with facts and suggestions for safe driving. In: Pomidor A, editor. Clinician’s guide to assessing and counseling older drivers. 4th ed. New York (NY): American Geriatrics Society; 2019. p. 188-99. Accessible ici : https://www.safemobilityfl.com/pdfs/CliniciansGuide/CliniciansGuideOlderDriversComplete4thEdition.pdf

Vats HS, Duffy DP. Assessment of self-perceived risk and driving safety in chronic dialysis patients. Dial Transplant. 2010;39(2):63-8.

Varela D, Mallawaarachchi I, Blandon P. A diagnostic screening tool for identifying safe drivers among dialysis patients. Clin Nephrol. 2015;83(1):22-8.