Section 2
Évaluation fonctionnelle – importance croissante

Avertissement

  • Il est souvent impossible d’appliquer des normes médicales aux conducteurs et conductrices sans tenir compte de l’effet fonctionnel du problème de santé sur la personne en cause.
  • Toutes les administrations du Canada ont adopté des politiques qui permettent à une personne de démontrer qu’elle est capable de conduire en toute sécurité en dépit des limites que sous-entend un diagnostic. Les critères peuvent varier entre les administrations.

2.1 Aperçu

Par le passé, l’évaluation médicale de l’aptitude à conduire était fondée uniquement sur un examen en cabinet de médecin, suivi d’un diagnostic. Cependant, plusieurs jugements de la cour, notamment la décision Grismer (Colombie-Britannique [Superintendent of Motor Vehicles] c. Colombie-Britannique [Council of Human Rights]), ont reconnu que la capacité d’un conducteur ou d’une conductrice de s’adapter à un problème de santé donné et de fonctionner avec celui-ci varie en fonction de la personne.

Les tribunaux ont aussi établi dans ces décisions qu’une personne a le droit de faire évaluer sa propre capacité à conduire. Une évaluation fonctionnelle, c’est-à-dire une évaluation structurée de la capacité d’une personne à poser les gestes nécessaires et à faire preuve du jugement voulu pour conduire en toute sécurité — évaluation qui comprend souvent un examen sur route — tient compte de cette variation entre les personnes. Ce sont habituellement des ergothérapeutes qui font les évaluations fonctionnelles, bien que dans certaines provinces ou certains territoires, des spécialistes de la réadaptation peuvent effectuer des examens sur route. En outre, certaines provinces ou certains territoires effectuent leurs propres examens sur route de l’aptitude à conduire, mais ces tests sont moins élaborés que ceux réalisés par des ergothérapeutes. En particulier, seuls les ergothérapeutes peuvent évaluer les besoins de modifier les véhicules pour s’adapter aux conducteurs et conductrices ayant une déficience physique.

Une personne ayant un problème de santé susceptible de compromettre ses aptitudes cognitives ou motrices peut demander une évaluation fonctionnelle pour déterminer son aptitude à conduire. Tout état qui compromet la capacité de se livrer aux activités de la vie quotidienne ou l’autonomie de la personne doit déclencher une évaluation fonctionnelle, sous une forme ou une autre, de l’aptitude à conduire.

Il peut arriver que les évaluations fonctionnelles ne soient offertes que dans les centres urbains et elles peuvent être difficiles à organiser pour la patientèle des milieux ruraux.

2.2 Normes

Les provinces et les territoires du Canada cherchent à établir et à appliquer des normes permettant l’évaluation individuelle des capacités fonctionnelles des personnes ayant des problèmes de santé susceptibles de se répercuter sur leur aptitude à conduire.

Les normes médicales imposées aux conducteurs et conductrices (p. ex., par le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, 2021) doivent porter sur trois types de problèmes :

  • Limitations fonctionnelles ou permanentes : Certains problèmes de santé ou certaines combinaisons de problèmes peuvent limiter les capacités fonctionnelles (p. ex., l’amputation d’un pied aura une incidence sur la capacité de conduire un véhicule avec une boîte de vitesses manuelle).
  • Risques liés à des problèmes de santé épisodiques : Le risque d’événements catastrophiques attribuables à un problème de santé peut être jugé inacceptable. Dans le cas de certains troubles cardiaques, par exemple, le risque qu’un événement invalidant survienne pendant que la personne est au volant a mené à la définition de critères conçus pour réduire le risque.
  • Utilisation de substances psychoactives jugées incompatibles avec la conduite : Les drogues illicites, l’alcool et les médicaments peuvent nuire à l’aptitude à conduire.

2.3 Évaluation

2.3.1 Évaluation en cabinet de médecin

Plusieurs auteurs et autrices ont décrit et expliqué le rôle des médecins dans la détermination de l’aptitude à conduire (p. ex., Dow, 2006). Dans leur cabinet, les médecins sont en mesure d’évaluer l’aptitude de leur patientèle à conduire lorsque celle-ci en est clairement capable ou incapable. Le présent guide contient de l’information qui les aidera à prendre ces décisions. Dans des situations moins claires, les médecins devront peut-être avoir recours à d’autres moyens pour effectuer une évaluation fonctionnelle, qui comportera habituellement un examen de conduite sur route.

Il faut insister sur le fait qu’à l’exception de restrictions temporaires découlant de problèmes de santé de courte durée, les médecins ne sont pas tenus de décider si l’on accordera ou suspendra un permis. Leur responsabilité consiste à décrire la situation, et le bureau des véhicules automobiles prendra une décision en se fondant sur les observations médicales, d’autres renseignements disponibles (p. ex., des rapports de police) et sur leur interprétation des règlements.

2.3.2 Évaluation fonctionnelle

Une évaluation fonctionnelle est de mise lorsque le problème de santé est permanent. Elle ne convient pas lorsque le conducteur ou la conductrice a un problème de santé épisodique (p. ex., crise d’épilepsie) reconnu pour alourdir le risque.

Les bureaux des véhicules automobiles choisissent eux-mêmes les données et les opinions sur lesquelles fonder leurs décisions d’octroi ou de suspension de permis. Les examens de conduite spécialisés et le dépistage informatisé, ainsi que certains tests autoadministrés (à condition que la personne concernée possède la lucidité nécessaire), ont un rôle à jouer. Les médecins peuvent décider d’envoyer un patient ou une patiente se soumettre à une évaluation supplémentaire lorsque de telles ressources lui sont accessibles.

Il est possible de s’en remettre au bureau des véhicules automobiles pour cette décision. Les évaluations sont habituellement offertes par des entreprises privées et payées par le conducteur ou la conductrice. Certains établissements publics de soins de santé offrent gratuitement des évaluations de l’aptitude à conduire, mais l’accès y est limité et les listes d’attente ont tendance à être longues.

Certaines administrations utilisent des évaluations hors route, comme les simulateurs de conduite ou les batteries de tests, pour prédire le comportement sur route. Les examens informatisés peuvent produire de l’information objective utile au sujet des fonctions que l’on juge importantes pour conduire sans danger. Il n’y a toutefois pas suffisamment de données pour appuyer la prise de décisions relatives aux permis fondée uniquement sur les résultats de ces examens.

La plupart des administrations canadiennes ont des examens routiers structurés souvent réalisés par des ergothérapeutes se spécialisant dans l’examen fonctionnel des conducteurs et conductrices. Dans certaines administrations, des techniciens agréés et des techniciennes agréées se chargent des examens. Les évaluations sont habituellement limitées aux personnes conduisant des véhicules non commerciaux. Les centres privés ne peuvent habituellement pas évaluer les conducteurs et conductrices de véhicules commerciaux et de motocyclettes, bien que certains centres spécialisés aient mis au point des tests pour ces personnes.

Il n’existe pas suffisamment de données probantes actuellement pour recommander ou déconseiller toute méthode particulière d’examen. Les recherches qui font autorité dans ce domaine ont toutefois démontré clairement que l’examen sur route du conducteur ou de la conductrice novice pour accéder au permis ne convient pas aux personnes d’expérience. Tout examen sur route pour les conducteurs et conductrice d’expérience doit inclure la conduite dans un environnement inconnu afin de tester comment il ou elle réagit dans des situations différentes de son quotidien. Bien que le niveau de stress du conducteur ou de la conductrice puisse être moindre s’il ou elle conduit son propre véhicule, l’utilisation d’un autre véhicule peut permettre de déceler des difficultés à conduire un véhicule non familier, ce qui peut être un signe de rigidité cognitive pouvant nuire à sa capacité de conduire.

Les restrictions géographiques (c.-à-d., limiter les conducteurs et conductrices à un secteur local) ne sont pas recommandées pour les personnes ayant des troubles cognitifs, surtout celles qui sont atteintes de démence. En fait, de récentes lignes directrices sur la démence (p. ex., Rapoport et coll., 2018) recommandent l’interdiction totale de conduire pour toute personne atteinte de démence qui nécessite l’imposition de restrictions du permis de conduire pour assurer la sécurité routière (voir la section 8, Démence).

2.4 Trouver des services d’ergothérapie

L’Association canadienne des ergothérapeutes offre un service sur son site Web appelé « Trouvez un ergothérapeute » (https://caot.ca/site/findot?language=fr_FR&client_id=caot). Toutefois, les ergothérapeutes ne font pas tous et toutes des évaluations fonctionnelles pour les conducteurs et conductrices. Certaines associations provinciales et ordres professionnels des ergothérapeutes offrent un service similaire au public qui cible les personnes effectuant une telle évaluation.


Références

British Columbia (Superintendent of Motor Vehicles) v. British Columbia (Council of Human Rights), [1999] 3 S.C.R. 868. Accessible ici : scc.lexum.org/en/1999/1999scr3-868/1999scr3-868.html (consulté le 28 juill. 2022)

Canadian Council of Motor Transport Administrators. National Safety Code. Standard 6. Determining driver fitness in Canada. Part I: A model for the administration of driver fitness programs. Part 2: CCMTA medical standards for drivers. Ottawa (ON): The Council; 2021. Accessible ici : https://ccmta.ca/web/default/files/PDF/National%20Safety%20Code%20Standard%206%20-%20Determining%20Fitness%20to%20Drive%20in%20Canada%20-%20February%202021%20-%20Final.pdf (consulté le 4 juill. 2022).

Dow J. Maladie et permis de conduire : comment s'y retrouver? Méd Québec. 2006;41(3):61-4.

Rapoport MJ, Chee JN, Carr DB, Molnar F, Naglie G, Dow J, et al. An international approach to enhancing a national guideline on driving and dementia. Curr Psychiatry Rep. 2018;20(3):16.