Section 16
Traumatisme craniocérébral

Avertissement

  • Chez les personnes qui ont subi un traumatisme craniocérébral (TCC) significatif, il faut préconiser un repos adéquat sur les plans physique et cognitif pour favoriser le rétablissement. Ces personnes doivent s’abstenir de conduire un véhicule motorisé jusqu’à résolution complète de leurs symptômes et tant qu’un examen médical complet n’a pas été effectué.
  • Les personnes qui ont subi un TCC modéré ou grave doivent se soumettre à une évaluation médicale avant de recommencer à conduire.
  • Les personnes qui ont des séquelles motrices, cognitives ou comportementales significatives et persistantes à la suite d’un TCC modéré ou grave pourraient devoir passer un test routier complet avant de recommencer à conduire.
  • Les personnes concernées peuvent recommencer à conduire après une commotion cérébrale lorsque leurs symptômes le permettent.

16.1 Aperçu

Dans les cas de traumatisme craniocérébral (TCC), la gravité apparente du traumatisme original n’est pas toujours en corrélation avec l’ampleur du dysfonctionnement cognitif résiduel. Il arrive aussi que le rétablissement varie énormément : des personnes qui ont subi un traumatisme grave peuvent en garder des séquelles mineures, tandis que d’autres qui ont subi une lésion cérébrale légère peuvent en garder des séquelles majeures. Même s’il est possible de confirmer la présence de lésions axonales diffuses au moyen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) spécialisée, il importe de savoir que les fonctions peuvent entièrement se rétablir malgré la présence d’anomalies franches à la tomodensitométrie ou à l’IRM. En revanche, on peut observer un dysfonctionnement cognitif persistant chez certaines personnes qui ont subi des examens de neuro-imagerie dont les résultats semblaient normaux.

Un TCC modéré ou grave se traduit par l’obtention d’un score inférieur à 13 sur l’échelle de Glasgow à la suite d’une lésion cérébrale, la présence d’une amnésie post-traumatique (confusion) d’une durée de plus de 24 heures ou la présence d’une lésion intracrânienne à la tomodensitométrie ou à l’IRM du cerveau, de même que la nécessité d’hospitaliser pour traiter le traumatisme. Une commotion cérébrale se définit comme un TCC léger sans signe de lésion intracrânienne à l’imagerie, et un rétablissement complet est attendu en deux semaines (un mois à l’adolescence) pour la plupart des personnes. Les deux types de TCC peuvent entraîner des séquelles physiques comme des dysfonctionnements moteurs ainsi que des séquelles cognitives souvent associées à des lésions des lobes frontaux comme des difficultés dans la prise de conscience, la prise de décisions ou la résolution de problèmes. Ces lésions peuvent également entraîner des séquelles comportementales comme un faible contrôle des impulsions ou de l’agressivité. La même affirmation vaut dans le cas des lésions cérébrales acquises qui peuvent découler d’une anoxie, d’une encéphalite, des effets de tumeurs ou autres agressions cérébrales.

En dépit du nombre croissant d’articles publiés sur le TCC léger et la commotion cérébrale, on dispose de très peu de documents fondés sur des données probantes pour orienter les recommandations. Parmi les efforts globaux pour améliorer cette situation, mentionnons 71 recommandations spécifiques concernant l’examen et le traitement des personnes qui présentent des symptômes persistants après un TCC (Marshall et coll., 2012). Une étude récente (Sarmiento et coll., 2021) a toutefois révélé que plusieurs prestataires de soins de santé n’effectuent aucun dépistage auprès des personnes qui ont subi un TCC léger après un traumatisme et ne les sensibilisent pas à son incidence sur la conduite. Il y a donc un besoin de lignes directrices claires sur la reprise de la conduite pour cette patientèle et de formation pour les médecins.

À l’échelle internationale, des initiatives sont en cours pour mieux comprendre et mieux soigner les personnes atteintes « de la maladie la plus complexe affectant notre organe le plus complexe », tout en reconnaissant que la méthodologie des essais cliniques randomisés et contrôlés limite leur contribution à la recherche (Tenovuo et coll., 2021).

Lors d’une revue systématique, Chee et coll. (2019) ont conclu qu’aucune donnée probante n’appuyait des changements importants aux lignes directrices cliniques actuelles sur la conduite à la suite d’un TCC. Ils ont recommandé d’autres études pour examiner tout particulièrement le risque d’accidents de la route en fonction de la gravité du TCC et du temps écoulé depuis le traumatisme en utilisant des définitions précises de la gravité et des indicateurs objectifs du risque d’accident.

Pour les personnes aux prises avec des convulsions post-traumatiques, se rapporter à la section 11.5.1, Convulsions post-traumatiques.

16.2 Traumatisme craniocérébral modéré ou grave

Toute personne ayant subi un TCC modéré ou grave doit s’abstenir de conduire avant d’avoir subi une évaluation médicale complète comprenant des évaluations cognitives et physiques. Une anamnèse détaillée des effets du TCC sur la personne, comprenant des renseignements provenant de la famille ou d’autres personnes-ressources fiables et un dépistage cognitif réalisé en service d’ergothérapie spécialisée en réadaptation en lien avec la conduite automobile, aidera les médecins à prendre les meilleures décisions quant à l’aptitude à conduire de la personne concernée. Si les médecins constatent la présence de déficiences cognitives ou physiques importantes, elles et ils doivent envisager une référence en réadaptation pour la personne concernée.

Pour conduire en toute sécurité, les personnes qui ont survécu à un TCC doivent connaître leur incapacité et avoir :

  • des capacités cognitives adéquates, dont la vitesse de traitement de l’information, la perception visuospatiale et l’attention
  • une force et une coordination motrices adéquates des membres supérieurs et inférieurs
  • une acuité et un champ de vision acceptables, écartant une diplopie
  • une capacité comportementale suffisante pour respecter toujours le code de la route et les conditions ou restrictions imposées par les autorités responsables de délivrer les permis de conduire

On recommande que les personnes concernées ayant des séquelles cognitives, physiques ou comportementales persistantes pouvant influer sur leur aptitude à conduire passent un examen de conduite complet. Chez celles qui ne sont plus aptes à conduire en raison des séquelles entraînées par un TCC, il faut déclarer la situation au bureau des véhicules automobiles le cas échéant, au moins jusqu’au rétablissement complet ou jusqu’à une réadaptation à la conduite réussie.

Si le test d’amnésie post-traumatique est positif (selon l’échelle abrégée Westmead Post-Traumatic Amnesia Scale, incluant l’échelle de Glasgow; https://aci.moodlesite.pukunui.net/course/view.php?id=48), il faut en aviser un membre de la famille ou de l’entourage de la personne concernée puisque toute opinion ou instruction donnée directement à la personne risque de ne pas être retenue, y compris le conseil de s’abstenir de conduire. Palubiski et Crizzle (2016) ont noté que la durée de l’amnésie post-traumatique pouvait potentiellement prédire les performances de conduite sur route.

Les personnes atteintes d’un TCC sont plus susceptibles de faire preuve d’agressivité marquée sur la route (Ilie et coll., 2015, 2017).

16.3 Commotion cérébrale

L’American Association of Neurological Surgeons (2021) définit la commotion cérébrale comme une « lésion au cerveau qui entraîne une perte temporaire de fonctions cérébrales normales. Médicalement, il s’agit d’un syndrome clinique caractérisé pour une altération immédiate et transitoire des fonctions cérébrales, dont une altération de l’état mental ou du niveau de conscience, causée par un traumatisme ou une force mécanique. » Contrairement aux personnes qui ont subi un TCC modéré ou grave, celles qui ont subi une commotion cérébrale peuvent éprouver des symptômes persistants qui se résorberont généralement (dans environ 80 % des cas) d’un à trois mois après la lésion. Même si les symptômes persistent, une personne atteinte d’une commotion cérébrale aura généralement une bonne lucidité et conscience, et sera également capable de reconnaître les effets potentiels de son état sur son aptitude à conduire. Lorsque les symptômes sont plus apparents (p. ex., migraines intenses), la personne pourrait ne pas pouvoir conduire; il est toutefois possible de recommencer à conduire lorsque les symptômes se sont résorbés ou sont plus tolérables. Les médecins doivent souligner à la personne qu’il est de sa propre responsabilité de déterminer son aptitude à conduire un véhicule en toute compétence et sécurité. Les personnes concernées peuvent recommencer à conduire dès que leurs symptômes leur permettent de le faire.

La plupart des personnes avec des traumatismes bénins comme les commotions cérébrales se rétablissent spontanément. Elles doivent néanmoins se soumettre à un suivi pour les symptômes et une proportion importante (10 % à 15 %) devra subir des évaluations supplémentaires. Il faut constamment tenir compte des répercussions du traumatisme sur la conduite. On ne saurait trop insister sur l’importance d’un repos adéquat sur le plan physique et cognitif (c.-à-d., repos complet d’un jour ou deux) pour promouvoir le rétablissement après une commotion cérébrale. Après un repos adéquat, si l’accélération de la fréquence cardiaque induite par l’exercice (p. ex., bicyclette stationnaire) ou par des tâches cognitives exigeantes déclenche la réapparition du moindre symptôme, c’est le signe qu’il faut prescrire plus de repos et procéder à des examens plus approfondis.

Les symptômes de commotion peuvent atteindre leur pic d’intensité dans les 48 heures ou plus qui suivent le traumatisme et sont plus susceptibles de survenir chez les personnes qui ne se reposent pas suffisamment après l’incident. Selon Iverson (2012), le fait de présenter des scores modérés ou élevés à l’échelle SCAT2 (Sport Concussion Assessment Tool, version 2; https://bjsm.bmj.com/content/bjsports/43/Suppl_1/i85.full.pdf) pour plus d’un des quatre symptômes suivants de céphalées, étourdissements, sensibilité au bruit et troubles de mémoire pourrait prédire un rétablissement plus lent. La dernière version de l’outil (en date de 2017) est l’échelle SCAT5 (Concussion in Sport Group, 2017; https://cattonline.com/scat/). Une vidéo (de 27 minutes) est également disponible sur YouTube pour faire la démonstration des applications de l’échelle SCAT5 (https://www.youtube.com/watch?v=gNoadxx37_E, en anglais seulement).

16.4 Déficience fonctionnelle

L’examen médical ne suffit pas à lui seul pour déterminer l’aptitude à conduire et d’autres évaluations réalisées par des spécialistes, des examens neuropsychologiques ou un examen de conduite complet et structuré peuvent produire une évaluation plus exacte et aider à mieux comprendre les problèmes particuliers liés à la conduite. Une revue systématique récente portant sur les tests neuropsychologiques après un TCC modéré ou grave a noté que c’étaient les fonctions exécutives qui exerçaient l’effet le plus important sur l’aptitude à conduire, suivies ensuite de la mémoire verbale, de la vitesse de traitement de l’information ou de l’attention et de la mémoire visuelle (Egeto et coll., 2019).

Les personnes qui ont subi un TCC perçoivent les dangers de la route plus tard que des personnes de groupes témoins indemnes jumelés selon l’âge.

Voici les recommandations formulées dans le cadre de la stratégie d’adoption des connaissances acquises sur les lésions craniocérébrales (Acquired Brain Injury Knowledge Uptake Strategy du Groupe d’élaboration des lignes directrices ABIKUS, 2007) pour la conduite après une lésion cérébrale acquise modérée ou grave (consulter la section 12.2 de la partie III des lignes directrices de l’ABIKUS) :

  • Conformément à la loi, les médecins qui connaissent bien ce type de blessure doivent faire subir un test à toutes les personnes victimes d’une lésion cérébrale acquise modérée ou grave, y compris aux personnes adolescentes, si elles souhaitent conduire, et selon le cas, cela se fera en collaboration avec l’équipe pluridisciplinaire.
  • Si, au cours de l’évaluation ou du traitement, les membres de l’équipe de réadaptation interdisciplinaire déterminent que la capacité de la personne à faire fonctionner sécuritairement un véhicule motorisé peut être affectée, ils doivent alors :
    • informer la personne concernée ou la personne mandataire qu’ils ont l’obligation légale (le cas échéant) de déclarer au bureau des véhicules automobiles (au service responsable de l’aptitude à conduire) que la personne a subi une atteinte neurologique ou autre et à fournir les renseignements pertinents sur ses répercussions
    • fournir des renseignements sur les dispositions légales relatives à la conduite après un TCC
    • donner des directives claires aux médecins et aux autres prestataires de soins de santé, aux membres de la famille et aux personnes proches aidantes, de même qu’à la personne elle-même concernant les risques associés à la conduite et leur rappeler leur obligation de déclaration et de procéder à une évaluation si la personne concernée souhaite recommencer à conduire à la suite d’un traumatisme, après un délai considérable
    • si l’aptitude de la personne à conduire demeure indéterminée, il faut procéder à une évaluation complète de sa capacité à conduire dans un centre approuvé à cette fin

16.5 Counseling

Il faut offrir du soutien et des services de counseling aux personnes qui ne peuvent plus conduire de manière sécuritaire, qui refusent de cesser de conduire ou de subir des tests. Trouver d’autres modes de transport est parfois complexe et demande du temps. Les TCC se compliquent souvent d’une dépression concomitante et la perte des privilèges associés à la conduite peut amplifier le risque de dépression. Les médecins doivent rappeler aux personnes qu’elles pourraient s’exposer elles-mêmes, et exposer leur famille et d’autres personnes à un risque de blessure en prenant le volant. Ces discussions doivent être consignées dans le dossier médical.

16.6 Résumé

On s’attend systématiquement à ce que les personnes ayant subi un TCC léger ou une commotion cérébrale puissent recommencer à conduire et que ce soit aussi possible pour celles ayant subi un TCC modéré ou grave. L’évaluation de la personne concernée doit tenir compte de toute séquelle physique, cognitive ou perceptuelle pouvant nuire à la conduite sécuritaire, de même que son état émotionnel. Les exigences varient d’une administration à l’autre pour ce qui est du signalement obligatoire par les médecins.

En général, si l’on est incertain de l’aptitude de la personne à conduire, il faut procéder à un test de conduite formel, ce qui inclut un examen de conduite par une ou un spécialiste de la réadaptation.


Références

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Autres ressources

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