Le devoir statuaire oblige les médecins à déclarer au bureau des véhicules automobiles compétent de la province ou du territoire le cas des personnes qui leur semblent inaptes à conduire. Ce devoir peut être obligatoire ou discrétionnaire, selon la province ou le territoire (tableau 1)†. L’obligation de déclaration l’emporte sur l’obligation des médecins d’assurer la confidentialité. L’article 18 du Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC (Association médicale canadienne, 2018) affirme le concept selon lequel il est possible d’enfreindre la confidentialité de la relation médecin–patientèle lorsque la loi l’oblige ou le permet :
Assurer la confidentialité des [patientes et] patients en ne divulguant pas de renseignements qui permettent de les identifier, en recueillant, en utilisant et en divulguant uniquement les renseignements de santé essentiels pour assurer leur bien, et en limitant la transmission de ces renseignements aux personnes qui participent à leurs soins. Parmi les exceptions, notons les situations où les [patientes et] patients ont donné leur consentement éclairé et celles où la divulgation de renseignements est exigée par la loi.
*Cette section vise un objectif éducatif d’orientation des médecins sur la déclaration de la patientèle jugée inapte à conduire. Elle n’entend pas remplacer les conseils d’un avocat ou d’une avocate. À moins d’indication contraire, cette section s’applique à l’aptitude à conduire des véhicules automobiles.
†Les pilotes, les contrôleurs et contrôleuses de la circulation aérienne et certains cheminots désignés et cheminotes désignées sont régis par une législation fédérale qui oblige à déclarer le cas de personnes de ces industries du secteur des transports affligées d’un problème médical qui les rend inaptes à faire leur travail. Des sections distinctes du guide abordent ces obligations de déclaration (Sections 26, Aviation et 27, Chemins de fer). Travailler dans l’environnement maritime est difficile et comporte des responsabilités essentielles à la sécurité ainsi que de nombreux dangers, y compris un lieu de travail exténuant, des conditions de vie particulières, des conditions météorologiques imprévisibles et la possibilité de devoir exécuter des tâches en urgence. Les gens de mer doivent pouvoir vivre et travailler ensemble en contact étroit pendant de longues périodes. Les difficultés que présente cet environnement peuvent être amplifiées lorsque les soins médicaux ne sont pas immédiatement accessibles en cas de besoin. Pour cette raison et d’autres encore, depuis 2001, la Loi sur la marine marchande du Canada exige que les médecins et les optométristes signalent sans délai à Sécurité maritime – Transports Canada tout personnel maritime ayant une affection médicale ou optométrique, lorsqu’elles et ils ont des motifs raisonnables de croire que cette personne est susceptible de constituer un danger pour la sécurité maritime.
Cette même loi exige que les gens de mer certifiés informent les prestataires de soins de leur rôle essentiel à la sécurité. Pour en savoir plus, veuillez consulter la politique « Examen médical des navigants – guide du médecin » de Transports Canada (Transports Canada, 2013), ou communiquer avec Médecine maritime au 1 866 577-7702.
Cette approche est davantage renforcée par le deuxième principe des « Principes de protection des renseignements personnels des patients de l’AMC » (Association médicale canadienne, 2017), qui stipule que :
Dans la pratique, le respect de la vie privée et l’obligation de confidentialité régissent le rôle des médecins en tant que dépositaires de données, chargés de contrôler dans quelle mesure les renseignements sur la personne sont protégés, utilisés ou communiqués. L’équilibre entre le droit à la protection des renseignements personnels d’un patient [ou d’une patiente] et l’obligation de confidentialité repose entre autres sur la règle de l’utilisation et de la communication « minimales nécessaires », qui prévoit qu’un [ou une] dépositaire de données doit utiliser ou communiquer le minimum de renseignements nécessaires aux fins prévues. Dans certaines circonstances, il se peut que l’anonymisation ou l’agrégation des renseignements personnels sur la santé avant l’utilisation et la communication minimisent le volume des renseignements dévoilés. L’obligation d’assurer la confidentialité des [patientes et] patients n’est pas absolue; des dérogations seront possibles dans des circonstances particulières; c.-à-d., en cas d’obligation ou d’autorisation juridique.
Le Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC doit servir de document d’orientation pour les médecins, qui devraient donc faire preuve de prudence lorsqu’elles et ils invoquent le Code comme raison légale de violer la confidentialité de la patientèle dans des situations où elles et ils ne sont pas légalement tenus de le faire.
Même si la loi les autorise à déroger à la confidentialité dans certaines circonstances, les médecins ont souvent de la difficulté à déclarer le cas des personnes jugées inaptes à conduire. Les médecins s’inquiètent souvent de leur propre responsabilité et, particulièrement lorsque la personne conduit un véhicule commercial, de l’effet sur la personne d’une suspension ou d’une restriction de permis. Les médecins peuvent aussi avoir de la difficulté à déterminer quand il s’impose de produire une déclaration. Il est utile alors de consulter le présent guide, le texte précis de la législation pertinente et l’Association canadienne de protection médicale (ACPM), y compris son Mettre les freins! Quand devez-vous signaler une inaptitude à conduire? (ACPM, 2019) et son Guide médico-légal à l’intention des médecins du Canada (ACPM, 2021).
Il importe de souligner que seuls les bureaux des véhicules automobiles peuvent suspendre un permis de conduire ou lui imposer des restrictions. Même si leur déclaration constitue un élément important de la détermination des mesures que prendra par la suite le bureau des véhicules automobiles, il n’incombe pas aux médecins de déterminer s’il faut modifier les privilèges de conduire du patient ou de la patiente.
Les médecins doivent aussi savoir que dans toutes les administrations, la législation pertinente les protège contre toute poursuite en justice qui pourrait leur être intentée pour avoir produit une déclaration (tableau 1). Certaines provinces et certains territoires précisent que les médecins doivent avoir agi de bonne foi afin de bénéficier de cette protection.
Il faut savoir que des personnes blessées dans un accident de la circulation ont parfois intenté des poursuites contre des médecins en soutenant que l’accident avait été causé en partie par l’inaptitude de leur patient ou patiente, qu’il aurait fallu empêcher de conduire. Des médecins ont été jugés coupables de non-déclaration, notamment dans les provinces et les territoires où l’obligation de déclaration est impérative.
Il importe donc pour les médecins de s’acquitter des obligations que leur impose la loi et de déclarer leurs patientes et patients qui ont selon eux un problème de santé dont il est raisonnable de penser qu’il pourrait les rendre dangereuses et dangereux au volant. On encourage les médecins à bien se familiariser avec le présent guide lorsqu’elles et ils évaluent l’aptitude à conduire d’un patient ou d’une patiente et décident s’il faut déclarer ou non déclarer son cas.
Voir l’annexe A où figure un message de l’ACPM sur les questions liées à l’aptitude à conduire de la patientèle et à la gestion des risques connexes.
Province ou territoire | Déclaration | Protection des médecins pour la déclaration† | Admissibilité en preuve des déclarations dans le contexte de poursuites judiciaire‡ |
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Alberta | Discrétionnaire | Protégés | L’identité des médecins qui font les déclarations reste confidentielle si ces dernières ont été faite de bonne foi, sauf avec autorisation de la divulgation de l’identité |
Colombie-Britannique | Déclaration obligatoire seulement lorsque la personne a un problème de santé tel qu’il peut être dangereux pour lui ou elle de prendre le volant, mais qu’il ou elle continue de conduire après avoir été averti du danger par des médecins | Protégés, sauf s’ils ou elles agissent de façon fausse ou malicieuse | Non mentionné |
Manitoba | Obligatoire | Protégés | Confidentiel Inadmissible en preuve dans un procès sauf pour démontrer qu’on a observé l’obligation de déclaration |
Nouveau-Brunswick | Obligatoire | Protégés pourvu que la déclaration ait été faite de bonne foi | Non mentionné |
Terre-Neuve-et-Labrador | Obligatoire | Protégés | Confidentiel Inadmissible en preuve dans un procès sauf pour démontrer qu’on a observé l’obligation de déclaration |
Territoires du Nord-Ouest | Obligatoire | Protégés, sauf si les médecins agissent de façon malicieuse ou sans motif raisonnable | Confidentiel Inadmissible en preuve ou à la consultation publique, sauf pour démontrer qu’on a observé l’obligation de déclaration et dans le cadre d’une poursuite pour violation de l’article 330 (fausse déclaration ou production de faux documents). La personne visée par la déclaration a le droit d’en obtenir une copie sur paiement des frais prescrits. |
Nouvelle-Écosse | Discrétionnaire | Protégés | Non mentionné |
Nunavut | Obligatoire | Protégés, sauf si les médecins agissent de façon malicieuse ou sans motif raisonnable | Confidentiel Inadmissible en preuve ou à la consultation publique, sauf pour démontrer qu’on a observé l’obligation de déclaration et dans le cadre d’une poursuite pour violation de l’article 330 (fausse déclaration ou production de faux documents). La personne visée par la déclaration a le droit d’en obtenir une copie sur paiement des frais prescrits.
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Ontario | Obligatoire si la personne a ou semble avoir un problème de santé reconnu, une déficience fonctionnelle ou une déficience visuelle. Discrétionnaire si la personne a ou semble avoir un problème de santé ou une déficience qui rend la conduite d’un véhicule dangereuse. | Protégés tant que les médecins agissent de bonne foi | Confidentiel |
Île-du-Prince-Édouard | Obligatoire | Protégés | Confidentiel Inadmissible en preuve dans un procès sauf pour démontrer qu’on a observé l’obligation de déclaration |
Québec | Discrétionnaire, mais le Collège des médecins du Québec s’attend à ce que les médecins fassent une déclaration s’ils ou elles ont des raisons de penser que la personne représente un risque sérieux à la sécurité et continue de conduire malgré les avertissements | Protégés | Confidentiel Inadmissible en preuve sauf dans des cas de révision judiciaire de certaines décisions du bureau des véhicules automobiles |
Saskatchewan | Obligatoire | Protégés tant que les médecins agissent de bonne foi | Confidentiel Inadmissible en preuve ou à la consultation publique sauf pour démontrer que la déclaration a été produite de bonne foi conformément à l’obligation de déclaration |
Yukon | Obligatoire | Protégés | Non mentionné |
**Inspiré, en partie, par le Guide médico-légal à l’intention des médecins du Canada (Association canadienne de protection médicale, 2021). †Utilisé avec l’autorisation de l’Association canadienne de protection médicale (ACPM). ‡Sous réserve des dispositions de la loi sur l’accès à l’information de la province ou du territoire pertinent. |