Section 3
Déclaration – quand et pourquoi*

Avertissement

  • La loi oblige les médecins à déclarer au bureau des véhicules automobiles compétent de la province ou du territoire les personnes qui leur semblent inaptes à conduire. Selon la province ou le territoire, ce devoir peut être obligatoire ou discrétionnaire. L’obligation de déclaration constitue un devoir envers le public et l’emporte sur l’obligation de confidentialité envers la patientèle.
  • Malgré cette obligation de déclaration, seuls les bureaux des véhicules automobiles peuvent suspendre un permis de conduire ou imposer des restrictions.

3.1 Aperçu

Le devoir statuaire oblige les médecins à déclarer au bureau des véhicules automobiles compétent de la province ou du territoire le cas des personnes qui leur semblent inaptes à conduire. Ce devoir peut être obligatoire ou discrétionnaire, selon la province ou le territoire (tableau 1)†. L’obligation de déclaration l’emporte sur l’obligation des médecins d’assurer la confidentialité. L’article 18 du Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC (Association médicale canadienne, 2018) affirme le concept selon lequel il est possible d’enfreindre la confidentialité de la relation médecin–patientèle lorsque la loi l’oblige ou le permet :

Assurer la confidentialité des [patientes et] patients en ne divulguant pas de renseignements qui permettent de les identifier, en recueillant, en utilisant et en divulguant uniquement les renseignements de santé essentiels pour assurer leur bien, et en limitant la transmission de ces renseignements aux personnes qui participent à leurs soins. Parmi les exceptions, notons les situations où les [patientes et] patients ont donné leur consentement éclairé et celles où la divulgation de renseignements est exigée par la loi.


*Cette section vise un objectif éducatif d’orientation des médecins sur la déclaration de la patientèle jugée inapte à conduire. Elle n’entend pas remplacer les conseils d’un avocat ou d’une avocate. À moins d’indication contraire, cette section s’applique à l’aptitude à conduire des véhicules automobiles.

Les pilotes, les contrôleurs et contrôleuses de la circulation aérienne et certains cheminots désignés et cheminotes désignées sont régis par une législation fédérale qui oblige à déclarer le cas de personnes de ces industries du secteur des transports affligées d’un problème médical qui les rend inaptes à faire leur travail. Des sections distinctes du guide abordent ces obligations de déclaration (Sections 26, Aviation et 27, Chemins de fer). Travailler dans l’environnement maritime est difficile et comporte des responsabilités essentielles à la sécurité ainsi que de nombreux dangers, y compris un lieu de travail exténuant, des conditions de vie particulières, des conditions météorologiques imprévisibles et la possibilité de devoir exécuter des tâches en urgence. Les gens de mer doivent pouvoir vivre et travailler ensemble en contact étroit pendant de longues périodes. Les difficultés que présente cet environnement peuvent être amplifiées lorsque les soins médicaux ne sont pas immédiatement accessibles en cas de besoin. Pour cette raison et d’autres encore, depuis 2001, la Loi sur la marine marchande du Canada exige que les médecins et les optométristes signalent sans délai à Sécurité maritime – Transports Canada tout personnel maritime ayant une affection médicale ou optométrique, lorsqu’elles et ils ont des motifs raisonnables de croire que cette personne est susceptible de constituer un danger pour la sécurité maritime.

Cette même loi exige que les gens de mer certifiés informent les prestataires de soins de leur rôle essentiel à la sécurité. Pour en savoir plus, veuillez consulter la politique « Examen médical des navigants – guide du médecin » de Transports Canada (Transports Canada, 2013), ou communiquer avec Médecine maritime au 1 866 577-7702.


Cette approche est davantage renforcée par le deuxième principe des « Principes de protection des renseignements personnels des patients de l’AMC » (Association médicale canadienne, 2017), qui stipule que :

Dans la pratique, le respect de la vie privée et l’obligation de confidentialité régissent le rôle des médecins en tant que dépositaires de données, chargés de contrôler dans quelle mesure les renseignements sur la personne sont protégés, utilisés ou communiqués. L’équilibre entre le droit à la protection des renseignements personnels d’un patient [ou d’une patiente] et l’obligation de confidentialité repose entre autres sur la règle de l’utilisation et de la communication « minimales nécessaires », qui prévoit qu’un [ou une] dépositaire de données doit utiliser ou communiquer le minimum de renseignements nécessaires aux fins prévues. Dans certaines circonstances, il se peut que l’anonymisation ou l’agrégation des renseignements personnels sur la santé avant l’utilisation et la communication minimisent le volume des renseignements dévoilés. L’obligation d’assurer la confidentialité des [patientes et] patients n’est pas absolue; des dérogations seront possibles dans des circonstances particulières; c.-à-d., en cas d’obligation ou d’autorisation juridique.

Le Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC doit servir de document d’orientation pour les médecins, qui devraient donc faire preuve de prudence lorsqu’elles et ils invoquent le Code comme raison légale de violer la confidentialité de la patientèle dans des situations où elles et ils ne sont pas légalement tenus de le faire.

Même si la loi les autorise à déroger à la confidentialité dans certaines circonstances, les médecins ont souvent de la difficulté à déclarer le cas des personnes jugées inaptes à conduire. Les médecins s’inquiètent souvent de leur propre responsabilité et, particulièrement lorsque la personne conduit un véhicule commercial, de l’effet sur la personne d’une suspension ou d’une restriction de permis. Les médecins peuvent aussi avoir de la difficulté à déterminer quand il s’impose de produire une déclaration. Il est utile alors de consulter le présent guide, le texte précis de la législation pertinente et l’Association canadienne de protection médicale (ACPM), y compris son Mettre les freins! Quand devez-vous signaler une inaptitude à conduire? (ACPM, 2019) et son Guide médico-légal à l’intention des médecins du Canada (ACPM, 2021).

Il importe de souligner que seuls les bureaux des véhicules automobiles peuvent suspendre un permis de conduire ou lui imposer des restrictions. Même si leur déclaration constitue un élément important de la détermination des mesures que prendra par la suite le bureau des véhicules automobiles, il n’incombe pas aux médecins de déterminer s’il faut modifier les privilèges de conduire du patient ou de la patiente.

Les médecins doivent aussi savoir que dans toutes les administrations, la législation pertinente les protège contre toute poursuite en justice qui pourrait leur être intentée pour avoir produit une déclaration (tableau 1). Certaines provinces et certains territoires précisent que les médecins doivent avoir agi de bonne foi afin de bénéficier de cette protection.

Il faut savoir que des personnes blessées dans un accident de la circulation ont parfois intenté des poursuites contre des médecins en soutenant que l’accident avait été causé en partie par l’inaptitude de leur patient ou patiente, qu’il aurait fallu empêcher de conduire. Des médecins ont été jugés coupables de non-déclaration, notamment dans les provinces et les territoires où l’obligation de déclaration est impérative.

Il importe donc pour les médecins de s’acquitter des obligations que leur impose la loi et de déclarer leurs patientes et patients qui ont selon eux un problème de santé dont il est raisonnable de penser qu’il pourrait les rendre dangereuses et dangereux au volant. On encourage les médecins à bien se familiariser avec le présent guide lorsqu’elles et ils évaluent l’aptitude à conduire d’un patient ou d’une patiente et décident s’il faut déclarer ou non déclarer son cas.

Voir l’annexe A où figure un message de l’ACPM sur les questions liées à l’aptitude à conduire de la patientèle et à la gestion des risques connexes.

TABLEAU 1: Règlements régissant la déclaration des personnes inaptes à conduire et protection des médecins (juillet 2022)*
Province ou territoireDéclarationProtection des médecins pour la déclaration†Admissibilité en preuve des déclarations dans le contexte de poursuites judiciaire‡
AlbertaDiscrétionnaireProtégésL’identité des médecins qui font les déclarations reste confidentielle si ces dernières ont été faite de bonne foi, sauf avec autorisation de la divulgation de l’identité
Colombie-BritanniqueDéclaration obligatoire seulement lorsque la personne a un problème de santé tel qu’il peut être dangereux pour lui ou elle de prendre le volant, mais qu’il ou elle continue de conduire après avoir été averti du danger par des médecinsProtégés, sauf s’ils ou elles agissent de façon fausse ou malicieuseNon mentionné
ManitobaObligatoireProtégés

Confidentiel 

Inadmissible en preuve dans un procès sauf pour démontrer qu’on a observé l’obligation de déclaration

Nouveau-BrunswickObligatoireProtégés pourvu que la déclaration ait été faite de bonne foiNon mentionné
Terre-Neuve-et-LabradorObligatoireProtégés

Confidentiel 

Inadmissible en preuve dans un procès sauf pour démontrer qu’on a observé l’obligation de déclaration

Territoires du Nord-OuestObligatoireProtégés, sauf si les médecins agissent de façon malicieuse ou sans motif raisonnable

Confidentiel 

Inadmissible en preuve ou à la consultation publique, sauf pour démontrer qu’on a observé l’obligation de déclaration et dans le cadre d’une poursuite pour violation de l’article 330 (fausse déclaration ou production de faux documents). La personne visée par la déclaration a le droit d’en obtenir une copie sur paiement des frais prescrits.

Nouvelle-ÉcosseDiscrétionnaireProtégésNon mentionné
NunavutObligatoireProtégés, sauf si les médecins agissent de façon malicieuse ou sans motif raisonnable

Confidentiel 

Inadmissible en preuve ou à la consultation publique, sauf pour démontrer qu’on a observé l’obligation de déclaration et dans le cadre d’une poursuite pour violation de l’article 330 (fausse déclaration ou production de faux documents). La personne visée par la déclaration a le droit d’en obtenir une copie sur paiement des frais prescrits.

 

OntarioObligatoire si la personne a ou semble avoir un problème de santé reconnu, une déficience fonctionnelle ou une déficience visuelle. Discrétionnaire si la personne a ou semble avoir un problème de santé ou une déficience qui rend la conduite d’un véhicule dangereuse.Protégés tant que les médecins agissent de bonne foiConfidentiel
Île-du-Prince-ÉdouardObligatoireProtégés

Confidentiel 

Inadmissible en preuve dans un procès sauf pour démontrer qu’on a observé l’obligation de déclaration

QuébecDiscrétionnaire, mais le Collège des médecins du Québec s’attend à ce que les médecins fassent une déclaration s’ils ou elles ont des raisons de penser que la personne représente un risque sérieux à la sécurité et continue de conduire malgré les avertissementsProtégés

Confidentiel 

Inadmissible en preuve sauf dans des cas de révision judiciaire de certaines décisions du bureau des véhicules automobiles

SaskatchewanObligatoireProtégés tant que les médecins agissent de bonne foi

Confidentiel 

Inadmissible en preuve ou à la consultation publique sauf pour démontrer que la déclaration a été produite de bonne foi conformément à l’obligation de déclaration

YukonObligatoireProtégésNon mentionné
**Inspiré, en partie, par le Guide médico-légal à l’intention des médecins du Canada (Association canadienne de protection médicale, 2021).
†Utilisé avec l’autorisation de l’Association canadienne de protection médicale (ACPM).
‡Sous réserve des dispositions de la loi sur l’accès à l’information de la province ou du territoire pertinent.

3.2 Déclaration

Les médecins qui jugent que l’aptitude à conduire d’un patient ou d’une patiente peut être compromise doivent l’informer : a) qu’elles et ils produiront une déclaration au bureau des véhicules automobiles et b) que le bureau des véhicules automobiles prend la décision de restreindre, ou non, les privilèges de conduite. Il faut avertir ces personnes de ne pas conduire jusqu’à ce que le bureau des véhicules automobiles ait pris sa décision définitive et l’ait communiquée. Les médecins devraient documenter toute discussion de cette nature dans le dossier du patient ou de la patiente, en notant la date, les conseils donnés et les noms des personnes présentes. Dans les cas où l’aptitude à conduire d’une personne est réduite pendant une brève période, par exemple quelques jours ou immédiatement après qu’elle a subi un examen médical, les médecins devraient se demander si un rapport au bureau des véhicules automobiles est justifié, compte tenu du temps que la révocation du permis prend. Les lois de certaines administrations stipulent explicitement que le devoir de déclaration ne s’applique pas lorsque le problème de santé est distinctement temporaire. Les médecins doivent se fier à leur jugement clinique lors de l’évaluation de la durée du problème de santé temporaire. Ils ou elles doivent au moins avertir la personne de ne pas conduire pendant la durée déterminée et doivent consigner les discussions à ce sujet. Si les médecins ont des doutes quant à la bonne marche à suivre dans de telles situations, elle ou il devrait consulter l’ACPM.

Les médecins doivent en général pencher en faveur de la déclaration de toute personne susceptible d’être inapte à conduire en raison de son état de santé. Cela importe particulièrement dans les administrations où l’obligation de déclaration est obligatoire. Pour obtenir des détails au sujet du processus de déclaration à suivre dans leur administration, les médecins doivent consulter le bureau des véhicules automobiles de leur province ou territoire (annexe B). On encourage les médecins à communiquer avec l’ACPM pour obtenir des conseils sur l’interprétation des normes provinciales ou territoriales.

Une fois que les médecins ont fait un rapport au bureau des véhicules automobiles, elles ou ils se sont acquittés de leur responsabilité juridique. Si par la suite elles ou ils apprenaient que le conducteur ou la conductrice dont les privilèges ont été suspendus continue de conduire, elles ou ils n’ont aucune obligation légale de signaler la situation à une autorité (p. ex., au bureau des véhicules automobiles ou à la police). Cependant, des questions de déontologie entrent certainement en ligne de compte du fait qu’un conducteur dangereux ou une conductrice dangereuse peut présenter un risque pour la santé des autres usagers et usagères de la route. C’est une question complexe, et ni les lois ni les codes d’éthique existants n’offrent des directives précises pour éliminer les risques juridiques ou réglementaires. Toutefois, si des médecins ont des motifs raisonnables de croire que leur patient ou leur patiente qui continue de conduire malgré un problème de santé peut représenter un danger sérieux, elles ou ils seraient justifiés d’avertir une tierce partie qui peut aider à prévenir les préjudices (p. ex., la police). Dans une telle situation, on conseille aux médecins de communiquer avec l’ACPM afin d’obtenir des conseils et de documenter les raisons justifiant la mise en garde ou non d’une tierce partie.

Les médecins devraient également communiquer avec l’ACPM si un patient ou une patiente menace d’intenter des poursuites si elles ou ils envoient un rapport au bureau des véhicules automobiles.

3.3 Droit des patientes et patients de consulter la déclaration des médecins

Le droit des patientes et patients d’avoir accès aux déclarations sur leur aptitude à conduire soumises au bureau des véhicules automobiles et toute note versée au dossier médical à ce sujet est assujetti aux lois des provinces et des territoires, qui varient. Bien que la patientèle ait un droit d’accès général à son dossier médical, certaines administrations étendent le privilège prévu par la loi pour prévenir la divulgation de ces rapports. Pour obtenir d’autres renseignements particuliers à leur administration, les médecins doivent communiquer avec l’ACPM.


Références

Canadian Medical Association. CMA code of ethics and professionalism. Ottawa (ON): The Association; le 8 déc. 2018. Accessible ici : https://www.cma. ca/cma-code-ethics-and-professionalism (consulté le 20 juill. 2022).

Canadian Medical Association. Principles for the protection of patient privacy [declaration de politique]. Ottawa (ON): The Association; 2017. Accessible ici : https://www.cma.ca/sites/default/files/2018-11/PD18-02.pdf (consulté le 20 juill. 2022).

Canadian Medical Protective Association. Hit the brakes: Do you need to report your patient’s fitness to drive? Ottawa (ON): The Association; juin 2019; révisé nov. 2021. Accessible ici : https://www.cmpa-acpm.ca/en/advice-publications/browse-articles/2019/hit-the-brakes-do-you-need-to-report-your-patients-fitness-to-drive (consulté le 25 oct. 2021).

Canadian Medical Protective Association. Medico-legal handbook for physicians in Canada. Version 9.0. Ottawa (ON): The Association; mai 2021. Accessible ici : https://www.cmpa-acpm.ca/en/advice-publications/handbooks/medical-legal-handbook-for-physicians-in-canada (consulté le 25 oct. 2021).

Transport Canada. Marine Safety Management System. Tier I – Policy. Seafarer medical examination – a physician guide. Ottawa (ON): Transport Canada; 2013. Accessible ici : https://tc.canada.ca/en/marine-transportation/marine-safety/seafarer-medical-examination-physician-guide (consulté le 28 juill. 2022)