Section 8
Démence

Avertissement

  • À lui seul, un test cognitif ne permet pas de déterminer l’aptitude à conduire d’une personne, sauf si les scores à des tests validés se trouvent dans l’éventail des valeurs correspondant à une dysfonction grave.
  • Si l’aptitude à conduire d’une personne soulève un doute, les médecins doivent suggérer une évaluation plus approfondie

8.1 Aperçu

Les tendances démographiques actuelles prédisent une augmentation importante du nombre de conducteurs et de conductrices âgés au cours des 20 prochaines années. Comme la prévalence de trouble neurocognitif majeur dégénératif augmente avec l’âge, le nombre de personnes âgées atteintes de démence augmentera aussi considérablement. Les médecins doivent être au courant des déficits cognitifs qui altèrent l’aptitude à conduire.

Le terme « démence » englobe tout un groupe de maladies (c.-à-d., différents types de démence) qui peuvent exercer divers effets sur les habiletés fonctionnelles requises pour conduire de manière sécuritaire. On sait que les personnes qui souffrent de maladie d’Alzheimer manifestent un déclin prévisible de leur fonction cognitive et que le déclin de leur aptitude à conduire peut être abrupt, mais moins prévisible (Duchek et coll., 2003). Toutefois, à ce jour, aucune étude longitudinale n’a porté sur le déclin de l’aptitude à conduire associé à d’autres formes de démence. Il n’en demeure pas moins que certaines caractéristiques de ces démences pourraient avoir des implications sur l’aptitude à conduire. Par exemple, la démence vasculaire peut se manifester par des épisodes brusques d’aggravation associés à l’accumulation de lésions vasculaires. La démence de Parkinson et la démence à corps de Lewy sont souvent associées à des dysfonctions motrices, exécutives et visuospatiales susceptibles d’être dangereuses sur la route. En outre, certaines démences frontotemporales sont liées à une dysfonction exécutive et à des anomalies précoces du comportement (p. ex., difficulté à maîtriser la colère) qui rendent la conduite dangereuse. En terminant, toutes les personnes atteintes de démence sont plus sujettes à l’état confusionnel aigu et à un déclin cognitif imprévisible et soudain. On en conclut qu’il est difficile de prévoir la progression des personnes atteintes de démence vers une inaptitude avérée à conduire. Des revues de la littérature scientifique ont fait état d’une grande variabilité dans l’évaluation du risque de collision chez les personnes atteintes de démence, mais elles ont toutes indiqué un risque accru de déclin de l’aptitude à conduire ou d’échec lors des tests sur route, même aux stade léger de démence (Man-Son-Hing et coll., 2007; Chee et coll., 2017).

8.2 Lignes directrices canadiennes antérieures

La troisième Conférence canadienne de consensus sur le diagnostic et le traitement de la démence (CCCDTD3; Hogan et coll., 2007, 2008) a proposé les recommandations suivantes en ce qui concerne l’aptitude à conduire des personnes atteintes de démence :

  • Un diagnostic de démence ne suffit pas pour retirer le permis de conduire. 
  • Une démence de modérée à grave est une contre-indication à conduire.
  • La conduite est contre-indiquée chez les gens qui, pour des raisons de nature cognitive, sont incapables de s’acquitter de manière autonome de plusieurs activités instrumentales de la vie quotidienne ou de toute activité fondamentale de la vie quotidienne. Ce degré d’atteinte fonctionnelle correspond à un stade de démence de modéré à grave.
  • Les personnes atteintes d’une forme de démence légère doivent se soumettre à des tests complets sur et hors route dans des centres spécialisés.
  • Aucun test, y compris le mini-examen de l’état mental (MMSE), n’est doté d’une sensibilité ni d’une spécificité suffisantes pour servir de seul critère de l’aptitude à conduire. Mais des résultats anormaux aux tests comme le MMSE, le test du dessin de l’horloge et le test TMT-B (Trail Making Test part B) indiquent qu’un examen plus approfondi de l’aptitude à conduire s’impose.
  • Les personnes atteintes de démence légère qui sont jugées aptes à continuer de conduire doivent subir une réévaluation tous les 6 à 12 mois ou plus fréquemment au besoin.

Remarque : Ces recommandations sont classées de catégorie B et de niveau 3 par la CCCDTD3. Des preuves de bonne qualité appuient cette position. Les opinions de spécialistes de renom se fondent sur l’expérience clinique, des études descriptives et des rapports de comités d’experts.

8.3 Mise à jour des recommandations tirées des lignes directrices

Pour cette section (qui est une mise à jour de l’édition 9.1 de ce guide, publiée en 2019), nous avons suivi le cadre proposé par le Guidelines International Network (Schünemann et coll., 2014) et le processus ADAPTE pour l’adaptation des lignes directrices de pratique clinique (ADAPTE Collaboration, 2009). Nous avons formé une équipe internationale chargée d’effectuer une synthèse des connaissances et la mise à jour des lignes directrices; elle se composait de scientifiques du Canada, de l’Australie, de la Belgique, de l’Irlande, de l’Angleterre et des États-Unis. Les recommandations du tableau 2 reposent sur ce processus rigoureux fondé sur des données probantes (Rapoport et coll., 2018).

8.4 Signalement en fonction du stade de la démence

À ce jour, on ne dispose d’aucune ligne directrice publiée quant au moment où les personnes atteintes de démence légère doivent faire l’objet d’un signalement obligatoire par les médecins (tableau 1 de la section 3, Déclaration — quand et pourquoi). Il est toutefois clair, compte tenu des lignes directrices énumérées à la section 8.2, Lignes directrices canadiennes antérieures, que les personnes atteintes de démence de modérée à grave doivent faire l’objet d’une déclaration.

Il n’est pas facile de déterminer à quel moment une personne franchit le seuil entre démence légère et démence modérée. Comme règle de base, la CCCDTD3 a défini la démence modérée comme la perte d’au moins une activité fondamentale de la vie quotidienne (AVQ), ou la perte d’au moins deux activités instrumentales de la vie quotidienne (AIVQ; y compris gestion des médicaments, transactions bancaires, courses, utilisation du téléphone, préparation des repas) en raison de troubles cognitifs.

On peut aussi établir le stade de la démence au moyen de l’échelle CDR Dementia Staging Instrument (https://knightadrc.wustl.edu/cdr/cdr.htm). Un score de 2 (démence modérée) ou 3 (démence grave) sur cette échelle empêcherait une personne de conduire. Cette échelle est malheureusement d’une utilité clinique limitée parce qu’elle requiert une formation et est rarement utilisée en médecine générale.

En principe, tous les médecins qui soupçonnent que les troubles cognitifs d’une personne peuvent affecter son aptitude à conduire doivent le ou la diriger vers une évaluation fonctionnelle à cet effet, soit sous la forme d’une évaluation en ergothérapie ou directement auprès des autorités qui délivrent les permis de conduire.

8.5 Outils pour le dépistage des troubles cognitifs

Plusieurs outils de dépistage des troubles cognitifs utilisés en cabinet de médecin ont été proposés pour déterminer quelles personnes sont les plus susceptibles d’avoir de la difficulté à conduire. En majeure partie, ces outils ont été conçus pour dépister les troubles cognitifs ou la démence plutôt que pour vérifier l’inaptitude à conduire. En outre, aucun n’a encore établi de seuils fiables au-delà desquels la conduite automobile des personnes concernées devient dangereuse.

L’outil de dépistage utilisable en cabinet de médecin le plus étudié pour l’inaptitude à conduire est le TMT-B, qui a recommandé un seuil de trois minutes ou de trois erreurs, aussi connu sous le nom de « règle de 3 » (Roy et Molnar, 2013). Les données probantes qui se font jour suggéreraient des seuils plus brefs, mais il est trop tôt pour apporter des changements de ce type, compte tenu des preuves limitées actuellement disponibles.

TABLEAU 2 : Consensus autour des recommandations sur l’aptitude à conduire des personnes atteintes de démence*
#RecommandationCatégorie de preuveConsensus†
1La démence a souvent un effet direct sur l’aptitude à conduire et les médecins doivent se préoccuper des déficits cognitifs susceptibles d’affecter l’aptitude à conduire.C96,60 %
2À lui seul, le diagnostic de démence ne suffit pas pour retirer le permis de conduire.A93,80 %
3La démence grave est une contre-indication absolue à la conduite.C96,60 %
4Il est peu probable qu’une conduite sécuritaire puisse être maintenue en présence de démence modérée (p. ex., présence concomitante d’incapacités aux plans des AVQ fondamentales) et la conduite doit être fermement découragée. Si une personne souhaite continuer à conduire, elle doit être évaluée et suivie très étroitement.B92,40 %
5aLes personnes atteintes de démence qui perdent progressivement deux AIVQ ou plus en raison de déficits cognitifs (sans problème sur le plan des AVQ fondamentales) risquent davantage d’être inaptes à conduire.A95,20 %
5bOn recommande une évaluation formelle et un suivi continu de l’aptitude à conduire dans ce cas, si une personne souhaite continuer à conduire.B93,80 %
6aAucun test effectué en cabinet de médecin, y compris les tests de dépistage globaux des déficits cognitifs (p. ex., MMSE, MoCA) n’est à lui seul doté d’une sensibilité ou d’une spécificité suffisantes pour déterminer l’aptitude à conduire dans tous les cas.A97,20 %
6bToutefois, les anomalies à ces tests pourraient indiquer qu’un conducteur ou une conductrice est à risque et doit subir une évaluation plus approfondie.B95,90 %
6cLes scores substantiellement anormaux, typiquement associés à la démence de modérée à grave, pourraient être incompatibles avec une conduite sécuritaire.C84,10 %
6dEn cas de doutes persistants, il faut demander une opinion en médecine de spécialité.C81,40 %
7Les personnes atteintes de démence légère qui sont jugées aptes à continuer de conduire doivent être réévaluées tous les 6 à 12 mois ou plus fréquemment au besoin.B93,10 %
8aLes médecins qui soupçonnent que les troubles cognitifs d’une personne peuvent affecter son aptitude à conduire doivent la ou le diriger vers une évaluation fonctionnelle à cet effet, soit en ergothérapie, soit directement auprès des autorités qui délivrent les permis de conduire.C85,50 %
8bSi des éléments de l’anamnèse, de l’examen physique ou de l’examen cognitif donnent clairement à penser que la personne concernée et le public sont exposés à un risque d’accident ou d’incapacité, cette personne et la personne-ressource/proche aidante doivent être informés que la personne concernée ne doit pas conduire, et cet échange (y compris, la date et le nom des personnes présentes) doit être consigné au dossier.C96,60 %
8cLes médecins doivent se familiariser avec leurs obligations en ce qui a trait à la déclaration de l’inaptitude à conduire dans leur province ou territoire, respecter le code d’éthique de leur profession et agir de manière à ce que les mécanismes en place de retrait de la route des conducteurs et conductrices inaptes soient opérationnels, rapides et efficaces.C85,50 %
9aLes personnes proches aidantes sont souvent mieux placées pour prédire le caractère sécuritaire de la conduite que les patientes et patients eux-mêmes, mais dans certains cas, il se peut que les personnes proches aidantes aient un intérêt à protéger l’autonomie au-delà d’un seuil sécuritaire …C82,10 %
9b… Donc, l’inquiétude d’une personne proche aidante au sujet de l’inaptitude à conduire n’est pas à prendre à la légère …B96,60 %
9c… et la possibilité d’un conflit d’intérêts entourant le maintien du permis de conduire doit entrer en ligne de compte si la personne proche aidante ne paraît pas préoccupée.C92,40 %
10Les comorbidités, les problèmes de santé physique et la polymédication doivent aussi entrer en ligne de compte lorsqu’on évalue l’aptitude à conduire.C93,10 %
11Nous recommandons une évaluation formelle en présence de troubles du comportement (p. ex., agitation, changement de personnalité, psychose) susceptibles d’interférer avec l’aptitude à conduire.C85,50 %
12Les personnes qui présentent un important trouble du langage, p. ex., aphasie primaire progressive ou autre type d’aphasie dans un contexte de démence, ne peuvent pas être soumises à des tests de dépistage typiques adéquats utilisant le langage et elles requièrent une évaluation plus pointue en orthophonie ou en neuropsychologie, une évaluation fonctionnelle (AIVQ, AVQ) et/ou un examen de conduite formel.C84,10 %
13Comme dans le cas de plusieurs autres maladies progressivement invalidantes qui forcent le retrait du permis de conduire, cette éventualité doit être abordée le plus tôt possible avec la personne concernée.C89,00 %
14aLe retrait du permis de conduire a été associé à l’isolement social, à la dépression et à d’autres problèmes de santé.C90,30 %
14bPar conséquent, il est important d’effectuer un suivi à cet égard auprès des personnes souffrant de démence à qui on a retiré le permis de conduire.C87,60 %

*Adapté avec l’autorisation du Springer Nature Customer Service Centre GmbH : Springer Science+Business Media, LLC, du groupe Springer Nature, Current Psychiatry Reports (DOI : https://doi.org/10.1007/s11920-018-0879-x), « An international approach to enhancing a national guideline on driving and dementia » par M. J. Rapoport, J. N. Chee, D. B. Carr, et coll., © 2018. Pour les méthodes spécifiques et un commentaire détaillé sur ces recommandations, voir l’article source (Rapoport et coll., 2018) (DOI : https://doi.org/10.1007/s11920-018-0879-x).

†Le consensus fait référence au pourcentage des 145 personnes ayant participé au processus d’évaluation utilisé pour appuyer chaque recommandation.

Remarque : AIVQ = activité instrumentale de la vie quotidienne; AVQ = activité de la vie quotidienne; MMSE = Mini–Mental State Examination; MoCA = Montreal Cognitive Assessment.

Certains tests de dépistage auraient prétendument été conçus pour déterminer l’aptitude à conduire, mais ces tests ne se sont pas révélés dotés d’une valeur prédictive; on ne peut donc pas fonder la décision de délivrer les permis de conduire uniquement sur la base de leurs résultats. Comme le formule la recommandation 6a, au tableau 2, aucun des tests actuellement offerts n’est doté d’une sensibilité ou d’une spécificité suffisantes pour prédire de manière précise en cabinet de médecin l’aptitude d’une personne à conduire dans toutes les situations, mais certains peuvent être utiles selon le cas. Si la fonction cognitive est suffisamment altérée (c.-à-d., si les résultats sont tellement mauvais que la sensibilité d’un test ne pose pas de problème), les résultats peuvent être assez spécifiques (c.-à-d., peu susceptibles d’être faux) pour justifier un signalement aux autorités concernées et une révision du permis de conduire. À l’exception de telles situations sans équivoque, les conséquences d’une classification erronée dans un sens ou dans l’autre sur la base des tests cognitifs actuels peuvent être substantielles, tant pour les personnes aptes privées à tort de leur autonomie, que pour les personnes inaptes qui continuent de circuler, et posent ainsi un risque pour elles-mêmes et la société.

Il est recommandé que les médecins utilisent plus d’un outil de dépistage des troubles cognitifs. Si les résultats des tests cognitifs comme le MMSE, le Montreal Cognitive Assessment (MoCA; https://www.mocatest.org), le test du dessin de l’horloge, le test TMT-B ou d’autres tests effectués en cabinet de médecin sont nettement anormaux (c.-à-d., inquiétants, spécifiques et fiables), il faut se demander si la personne est atteinte de démence modérée ou grave en tenant compte de ses antécédents et en se rappelant que la démence modérée ou grave constitue une contre-indication à la conduite automobile.

Il importe de ne pas utiliser à mauvais escient les outils de dépistage. Pour optimiser l’utilisation des outils de dépistage actuels, malgré les preuves limitées décrites plus haut, un article de Molnar et coll. (2012) suggère d’appliquer les principes suivants aux tests de dépistage effectués en cabinet de médecin :

  • Vérifiez si le résultat du test concorde avec d’autres formes de preuves — Les résultats du test concordent-ils avec les antécédents signalés par le patient ou la patiente, par la personne proche aidante ou la famille et avec les résultats d’autres tests? À l’inverse, le résultat de ce test isolé est-il marginal? Est-il un reflet fidèle de la capacité fonctionnelle réelle du patient ou de la patiente?
  • Assurez-vous de savoir ce que vous mesurez vraiment — Assurez-vous que les mauvais scores ne sont pas attribuables à des variables confusionnelles pouvant interférer avec l’évaluation des fonctions cognitives, comme la barrière de la langue, un faible niveau de scolarité, la dyslexie, l’anxiété de performance, la dépression ou certains déficits sensoriels.
  • Tenez compte de l’évolution de la maladie de la personne — Vérifiez si l’on s’attend à ce que l’état du patient ou de la patiente s’améliore (p. ex., état confusionnel aigu, traumatisme crânien récent, AVC récent), reste stable (p. ex., traumatisme crânien stable, AVC stable) ou se détériore (p. ex., troubles dégénératifs, tels que démence, maladie de Parkinson).
  • Comprenez votre rôle — Même dans les provinces ou les territoires où le signalement est obligatoire, le rôle des médecins n’est pas de déterminer directement l’aptitude à conduire, mais plutôt de faire rapport sur les résultats cliniques qui éveillent des soupçons quant à l’aptitude à conduire. Les autorités qui délivrent les permis de conduire décident ensuite si la personne est apte à conduire ou s’il ou elle a besoin de tests plus approfondis, en se basant en partie sur les renseignements corrects, honnêtes et rapides fournis par les médecins.
  • Faites preuve de jugement et réfléchissez à la gravité des résultats — Regardez l’ensemble du tableau, y compris toute restriction sur les plans physique et comportemental. Il est parfois évident qu’une personne n’est pas apte à conduire, compte tenu de mauvais résultats aux tests validés de comportements dangereux, de limites physiques importantes ou d’une atteinte fonctionnelle importante. N’ayez pas peur de baser votre jugement sur toute atteinte manifeste qui pourrait ainsi être mise au jour.
  • Tenez compte des aspects qualitatifs et dynamiques du test — Lorsqu’on interprète les résultats d’un test, il ne faut pas tenir compte uniquement du score, mais aussi des éléments dynamiques et qualitatifs de la façon dont la personne a exécuté le test, par exemple, lenteur, hésitations, anxiété ou crise de panique, comportement impulsif ou répétitif, manque de concentration, multiples corrections, oubli des directives ou incapacité de comprendre le test. Ces signes peuvent pointer en direction d’autres types d’atteintes qui risquent de nuire à l’aptitude à conduire.

Pour faciliter la prise de décision, les médecins devraient se poser les deux questions suivantes après avoir pris connaissance des résultats des tests cognitifs, de l’examen physique, et du dossier de conduite de la personne :

Compte tenu des résultats de mon évaluation clinique :

  • Est que je laisserais mes proches monter en automobile avec cette personne au volant?
  • Est-ce que j’aimerais que mes proches traversent la rue devant une automobile conduite par cette personne?

Pour chaque question, il y a trois réponses possibles : « oui » (rien n’indique qu’il faille demander des examens plus approfondis), « j’hésite » (il faut procéder à des examens plus approfondis) et « absolument pas » (le risque est manifestement trop élevé, et donc, l’évaluation des médecins quant à l’aptitude du patient ou de la patiente à conduire devrait être transmise aux autorités concernées et la personne en cause devrait être informée de s’abstenir de prendre le volant à moins que les autorités concernées ne l’y autorisent).

Les résultats des tests ne sont pas considérés isolément, mais bien dans le contexte d’approches plus étoffées, comme le décrivent les sources suivantes :

  1. Article du numéro de novembre 2010 de la revue Canadian Family Physician (Molnar et Simpson, 2010)
  2. Article sur les trousses à outils concernant la conduite et la démence dans la revue Canadian Geriatrics Society Journal of CME (Byszewski, Molnar et coll., 2012)
  3. The Driving and Dementia Toolkit for Health Professionals, 3e édition, rédigé par le Réseau de la démence de la région Champlain et le Programme gériatrique régional de l’Est de l’Ontario (Aminzadeh et coll., 2009)

8.6 Quand l’aptitude à conduire reste indéterminée

Certaines provinces, soit le Québec, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, offrent des tests de conduite sur route financés par les ministères concernés pour les personnes potentiellement inaptes, y compris celles qui éprouvent des problèmes cognitifs.

Dans les autres provinces où les tests routiers ne sont pas financés, la personne doit payer pour le test complet dont le coût peut atteindre 800 $ et qui est exécuté par une entreprise privée approuvée par les autorités concernées, généralement sous la supervision d’un ou d’une ergothérapeute.

Les médecins doivent se renseigner sur les dispositions particulières en vigueur dans leur province ou territoire et informer les patientes et patients et leurs proches que le test routier devra être répété tous les 6 à 12 mois, même si la personne souffrant de démence réussit le test initial.

8.7 Conseils aux personnes atteintes de démence qui peuvent encore conduire de manière sécuritaire

Pour aider une personne atteinte de démence à se préparer à ne plus conduire un jour, les médecins peuvent remettre à la personne concernée et à sa famille un exemplaire de la 2e édition de Conduite automobile et démence – trousse d’information à l’intention des personnes atteintes et de leurs aidants (Byszewski et coll., 2011). L’aptitude à conduire du patient ou de la patiente doit être réévaluée tous les 6 à 12 mois, ou plus fréquemment si le déclin cognitif s’aggrave (conformément à la recommandation 7 du tableau 2). Pour obtenir de plus amples renseignements, voir la section 4, Renonciation à la conduite.

8.8 Annonce de l’inaptitude à conduire

Lorsqu’une personne se révèle inapte à continuer de conduire, la discussion qu’elle aura avec ses médecins est délicate, puisque des mots mal choisis pourraient grandement la perturber, voire la traumatiser, alors que l’intention est de l’aider de manière compatissante à franchir cette étape difficile de la vie. Pour des conseils sur la meilleure façon d’aborder cette conversation délicate, consultez l’article suivant qui relate une étude de cas (Byszewski, Aminzadeh et coll., 2012).

8.9 Suivi après la perte du permis de conduire

On a établi un lien entre la perte du permis de conduire, l’isolement social et la dépression. Lorsque le permis d’une personne atteinte de démence a été révoqué, les médecins doivent donc rester à l’affût de ce type de problème en faisant un suivi périodique. Il faut également impliquer les proches et obtenir leur aide pour créer un réseau qui veillera au transport de la personne concernée, non seulement à ses rendez-vous (chez les médecins, à la banque), mais aussi à ses activités sociales, qui sont nécessaires au maintien de la qualité de vie.

8.10 Contre-mesures

Il y a peu de données appuyant la sécurité des permis avec restriction, le copilotage ou d’autres contre-mesures dans le cas des personnes atteintes de démence (Iverson et coll., 2010).

8.11 Ressource utile — le site Driving and Dementia Roadmap

Le site Web « Driving and Dementia Roadmap » (https://drivinganddementia.ca/) est un outil précieux destiné aux personnes atteintes de démence, aux personnes proches aidantes et aux prestataires de soins de santé, avec un portail différent pour chacun de ces groupes. De plus, deux portails différents s’offrent aux personnes atteintes de démence et aux personnes proches aidantes, un pour les personnes qui ont cessé de conduire et un autre pour celles qui conduisent encore.

Le site Web s’inspire d’un cadre d’intervention qui aborde les éléments pratiques et les éléments axés sur les émotions liés à la cessation de conduire. Les éléments pratiques sont notamment des informations concernant les risques liés à la conduite avec de la démence, les facteurs de risque et les signaux d’alerte, des stratégies de communication et une planification avancée pour la mobilité. Parmi les éléments axés sur les émotions se trouvent des méthodes pour aborder les effets de la cessation de conduire sur les relations, les situations de crises et de conflits qui peuvent survenir, et la perte et le deuil liés à cette grande transition de la vie.


Références

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