Section 22
Autres problèmes de santé susceptibles de nuire à l’aptitude à conduire

Avertissement

  • Il faut évaluer individuellement l’aptitude à conduire des personnes concernées.

22.1 Aperçu

Bon nombre de problèmes de santé pouvant influencer l’aptitude à conduire n’ont pas été traités en détail dans les sections précédentes de ce guide. Cette section répertorie quelques-uns de ces problèmes de santé qui méritent une attention particulière.

22.2 Obésité

Même si la plupart des personnes atteintes d’obésité sont en mesure de continuer à conduire, celles qui sont atteintes d’obésité morbide peuvent avoir de la difficulté à conduire certains véhicules. Par exemple, la conduite professionnelle d’un camion ou d’un autobus exige d’accomplir certaines tâches pour vérifier que le véhicule est sécuritaire, ce qui peut demander de grimper sur le véhicule ou de se glisser en dessous, des tâches qu’une personne atteinte d’obésité morbide ne pourra pas accomplir.

Bon nombre de personnes atteintes d’obésité disent être incapables de porter une ceinture de sécurité. La plupart des véhicules peuvent cependant être dotés d’extensions de ceintures de sécurité. Il peut être nécessaire d’envisager de désactiver les coussins gonflables pour les personnes présentant une obésité grave afin d’éviter qu’ils ne se déploient par inadvertance et ne causent des blessures. Malgré tout, le risque de mourir ou d’être blessé est plus élevé pour les personnes atteintes d’obésité morbide, conductrices comme passagères, quel que soit le dispositif de sécurité utilisé (Joseph et coll., 2017; Elkbuli et coll., 2019).

Les comorbidités cardiovasculaires, respiratoires et métaboliques sont courantes chez les personnes atteintes d’obésité. On devrait se questionner sur l’aptitude à conduire en présence d’une obésité sarcopénique, indiquée par une faible force de préhension, une démarche lente et des antécédents d’immobilité. Les épisodes d’hypoglycémie sont également courants après qu’une personne ait subi une intervention chirurgicale bariatrique (Lehmann et coll., 2021).

22.3 État confusionnel aigu (délirium)

L’état confusionnel aigu, qui correspond à un déclin rapide du fonctionnement cognitif, peut être associé à de nombreux problèmes de santé traités ailleurs dans ce guide. Un état confusionnel aigu peut se présenter avec des symptômes évidents, comme des hallucinations et un état de conscience altéré, qui fluctuent avec le temps. Il peut cependant se présenter avec des symptômes sous-syndromiques plus subtils comme une difficulté à se concentrer et un ralentissement psychique. Quand les personnes se remettent des symptômes évidents d’un état confusionnel aigu, elles peuvent passer temporairement par une phase de symptômes plus subtils susceptibles de nuire à leur aptitude à reprendre le volant. La forme hypoactive de l’état confusionnel aigu, plus fréquente que la forme hyperactive, passe souvent inaperçue.

Pour les personnes qui ont subi un épisode d’état confusionnel aigu à l’hôpital, les médecins traitants doivent déterminer s’il existe des signes résiduels de troubles cognitifs ou des signes spécifiques d’état confusionnel aigu au moment du congé. Si de tels signes persistent, les médecins qui autorisent un congé doivent demander aux personnes de ne pas conduire tant qu’elles n’auront pas vu leur médecin de famille, et ce dans un laps de temps normalement suffisant pour avoir récupéré. Les médecins traitants doivent impérativement faire part de leurs préoccupations et de toute l’information pertinente aux médecins qui feront le suivi en dehors du contexte hospitalier.

Si ce sont les médecins de famille qui posent un diagnostic d’état confusionnel aigu, ils doivent avertir les personnes concernées de ne pas conduire jusqu’à ce qu’elles aient été vues lors d’un rendez-vous de suivi pour déterminer si elles réagissent bien au traitement du problème de santé qui a déclenché l’état confusionnel aigu.

Si les médecins ne sont pas certains s’il est sécuritaire ou non pour les personnes concernées de recommencer à conduire, il est recommandé de prolonger la période pendant laquelle elles ne doivent pas conduire et de leur demander de prendre un autre rendez-vous aux fins de suivi. Si les évaluations de suivi révèlent que les personnes ne sont pas complètement rétablies et que les médecins continuent de se préoccuper de leur aptitude à conduire, il est alors approprié de diriger les personnes concernées vers un centre d’évaluation de la conduite automobile. Si les médecins craignent qu’il y ait une démence ou un problème de santé mentale sous-jacent à l’état confusionnel aigu, le traitement et la consultation en médecine de spécialité appropriée sont recommandés.

22.4 Atteinte générale

Une atteinte générale correspond à une diminution de la capacité de mener une vie normale, causée par l’état de santé de la personne. Elle peut être présente à la suite de multiples problèmes et syndromes médicaux produisant des symptômes spécifiques et généraux comme la douleur, la fatigue, la cachexie et l’incapacité physique, ainsi que des symptômes cognitifs comme les déficits de l’attention, de la concentration, de la mémoire et du développement ou de l’apprentissage. Une liste exhaustive des troubles, fréquents et rares, provoquant une atteinte générale dépasse le cadre de ce guide, mais les troubles alimentaires, l’encéphalopathie hépatique (Nguyen et coll., 2018; Formentin et coll., 2019), la maladie rénale (Kepecs et coll., 2018), la polyarthrite rhumatoïde et le syndrome de fatigue chronique en sont des exemples. Il est important d’évaluer l’aptitude à conduire des personnes atteintes d’une forme avancée de ces troubles (Weir et coll., 2017; Mansur et coll., 2018).

Certains médicaments peuvent aussi contribuer à une atteinte générale (voir la section 6, Médicaments et drogues illicites). Avec l’expansion du savoir médical et des pharmacothérapies, cette catégorie prend de l’ampleur et devient plus importante pour la sécurité routière.

22.5 Troubles courants qui peuvent mériter une attention particulière

La conduite fait partie intégrante de la vie quotidienne au Canada. Il est donc facile d’oublier que bon nombre de personnes, peu importe leur âge, développent des troubles médicaux qui peuvent réduire leur aptitude à conduire. Elles continuent de vaquer à leurs activités quotidiennes (y compris la conduite automobile) au mieux de leurs capacités. En fait, pour bon nombre d’entre elles, simplement continuer à vivre aussi normalement que possible pose un défi. Or, même des problèmes de santé très courants peuvent réduire leur capacité de conduire.

Par conséquent, il est important que les médecins et les autres prestataires de soins de santé incluent le counseling concernant la conduite automobile dans les conseils de routine qu’ils donnent à ces personnes. Cela est particulièrement vrai pour les maladies chroniques telles que le diabète mellitus, où il est possible de continuer à vivre une vie relativement normale si des précautions raisonnables sont respectées. Malheureusement, à moins de recevoir du counseling sur la manière de compenser la maladie, les personnes concernées peuvent adopter un comportement qui pose un danger sur la route.

De façon plus générale, les médecins doivent se rappeler que l’évaluation de l’aptitude à conduire (en conformité avec les principes énoncés dans la section 2, Évaluation fonctionnelle — importance croissante) est essentielle pour l’ensemble de leur patientèle, indépendamment de l’âge, qui manifeste des difficultés à continuer de faire des activités qui faisaient partie de la routine quotidienne avant que le problème de santé survienne. Dans ce contexte, les médecins doivent prendre en compte non seulement les activités courantes de la vie quotidienne, mais aussi les autres activités que la personne aimait pratiquer et qu’elle a dues abandonner en raison de son état de santé (p. ex., le modélisme, la lecture, la broderie, le tricot). En général, l’aptitude à conduire d’une personne doit être remise en question lorsqu’elle est incapable de travailler (Lalić, 2019).

Selon une méta-analyse récente (Scott et coll., 2017), des antécédents de chute chez les personnes de 55 ans et plus seraient un facteur prédictif de l’implication dans un accident de la route. On estime que les conducteurs et conductrices plus âgés qui ont admis avoir fait une chute (dans les six mois à trois ans précédents) présentaient un risque de 40 % plus élevé d’être impliqué dans un accident de la route comparativement à ceux et celles n’ayant pas déclaré de chute. La documentation a donc établi un lien entre les antécédents de chute et le risque d’accidents de la route, mais le mécanisme sous-jacent de cette association n’est pas bien compris.

Remerciement : Michel Gaudet, Direction de la recherche en sécurité routière, Vice-présidence aux stratégies de marketing, de sécurité routière et d’expérience employé, Société de l’assurance automobile du Québec, a contribué à la recherche documentaire sur le sujet des chutes et des risques d’accident de la route.


Références

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Formentin C, De Rui M, Zoncapè M, Ceccato S, Zarantonello L, Senzolo M, et al. The psychomotor vigilance task: role in the diagnosis of hepatic encephalopathy and relationship with driving ability, J Hepatol. 2019;70(4):648-57.

Joseph B, Hadeed S, Haider AA, Ditillo M, Joseph A, Pandit V, et al. Obesity and trauma mortality: sizing up the risks in motor vehicle crashes. Obes Res Clin Pract. 2017;11(1):72-8.

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Mansur A, Desimone A, Vaughan S, Schweizer TA, Das S. To drive or not to drive, that is still the question: current challenges in driving recommendations for patients with brain tumours. J Neurooncol. 2018;137(2):379-85.

Nguyen HH, Swain MG, Wong P, Congly SE. Canadian regulations and legal ramifications for hepatic encephalopathy: a descriptive analysis. CMAJ Open. 2018;6(4):E575-E579.

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Autres ressources

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